Les accords de Camp David
Camp David, dans l’État du Maryland, sur la côte est des États-Unis, le 17 septembre 1978. Cette résidence d’été des présidents américains, construite en 1942 par Franklin Roosevelt abrite depuis treize jours les négociations de paix israélo-égyptiennes. Aux alentours de 22 h 30, le président américain Jimmy Carter annonce à 300 journalistes stupéfaits qu’Anouar al-Sadate, le raïs égyptien, et Menahem Begin, le Premier ministre israélien, ont signé deux accords d’une portée historique. Le premier comporte l’engagement solennel des deux dirigeants à conclure un traité de paix dans les trois mois, à la seule condition que le Parlement israélien vote, dans les quinze jours, le démantèlement des colonies juives du Sinaï. Il prévoit aussi, sous neuf mois, l’établissement de relations diplomatiques entre Le Caire et Tel-Aviv, ainsi que la restitution, sous trois ans, de l’ensemble des territoires égyptiens occupés depuis 1967. Une révolution.
Le second volet des accords-cadres concerne la Cisjordanie et Gaza, évoque l’élection d’une autorité autonome, des arrangements transitoires et une discussion, d’ici à cinq ans, sur le statut final des territoires. Il restera lettre morte.
Historiens et commentateurs portent aujourd’hui un regard critique sur les accords de Camp David, salués, au moment de leur conclusion, comme une victoire diplomatique personnelle du président américain Carter. Fervent chrétien baptiste, qui rêve de passer à la postérité comme l’artisan de la paix entre Arabes et Juifs, il use de toute son influence sur ses deux alliés régionaux pour parvenir à un résultat. Il assiste aux travaux de bout en bout, fait annuler tous ses rendez-vous et en confie de fait l’intérim à son vice-président Walter Mondale. Carter décide de la méthode, impose un black-out total sur le déroulement des discussions et enferme les deux délégations dans le cadre champêtre et bucolique de sa résidence de 57 hectares, protégée par une double barrière de barbelés électrifiés. « Laissons nos montres à la maison », prévient-il ses hôtes, tout en fixant une date butoir, le 16 septembre, qui ne sera finalement pas respectée. Croyant, peut-être naïvement, aux vertus du contact direct, il espère que les deux adversaires d’hier mettront à profit la topographie des lieux – les deux chalets ne sont distants que de quelques centaines de mètres – pour multiplier les échanges informels et briser la défiance réciproque. Mais hormis deux rencontres, une première inopinée, au croisement d’un chemin, au cours de laquelle Sadate et Begin n’échangent que des banalités, et une seconde, extrêmement tendue, en présence de Carter, les deux dirigeants s’ignorent superbement jusqu’au dénouement du 17. Le président américain et ses collaborateurs, Cyrus Vance et Zbigniew Brzezinski, en sont réduits à faire la navette entre les négociateurs…
Beaucoup doutent, à l’entame des pourparlers, des chances de réussite de Camp David. « Les deux délégations ne sont venues que pour parvenir à négocier l’échec », titre par exemple le quotidien français Le Matin, au premier jour du sommet, résumant l’opinion générale. Sadate, confronté à une conjoncture intérieure très délicate – son pays est alors à deux doigts de la banqueroute – et persuadé que les chances des armées arabes de remporter une victoire décisive sur Tsahal sont quasi nulles, fait donc le choix de tenter d’obtenir par la diplomatie ce qu’il n’a pu obtenir par la guerre : un règlement honorable et un retour à la situation d’avant 1967. Il prend son monde de court en faisant le voyage de Jérusalem, en novembre 1977, mais se heurte à l’intransigeance de Begin : il repart d’Israël les mains vides. Begin, disposé à faire des concessions à l’Égypte sur le Sinaï pour arriver à une paix séparée avec son ennemi le plus dangereux, ne souhaitait pour autant rien lâcher sur le droit des Palestiniens à l’autodétermination. Dans l’impossibilité de reculer, et soumis à une intense pression américaine, le raïs égyptien finit par céder sur le volet palestinien pour récupérer « ses territoires occupés » ainsi qu’une substantielle aide économique américaine.
Le 21 avril 1982, les derniers soldats israéliens évacuent le Sinaï. Une satisfaction posthume et de courte durée pour Sadate, assassiné le 6 octobre 1981 par un commando islamiste, en plein défilé militaire. Six semaines plus tard, Begin lance ses chars à l’assaut du Liban. La paix n’était décidément pas à l’ordre du jour. Vingt-trois ans après, elle se fait toujours attendre…
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