Kikwete, ou l’ambition satisfaite

Désigné pour représenter son parti à la présidentielle du 30 octobre, le ministre des Affaires étrangères devrait logiquement succéder à Benjamin Mkapa.

Publié le 12 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Grand, souriant, aussi influent qu’ambitieux, il a su gagner la faveur du peuple… Sauf imprévu, Jakaya Mrisho Kikwete, 55 ans, sera, dans moins de deux mois, le quatrième président de la Tanzanie. Les élections présidentielle et législatives du 30 octobre doivent encore venir confirmer sa consécration populaire, mais le parti qu’il y représentera, le Chama Cha Mapinduzi (CCM), au pouvoir depuis l’indépendance en 1964, est quasi assuré de remporter la majorité des voix.
En réalité, la lutte pour la magistrature suprême s’est jouée en mai, lors des primaires du parti révolutionnaire créé par Julius Nyerere, père de la nation tanzanienne. Kikwete a dû faire ses preuves face à d’autres grands ténors du régime et a su finalement satisfaire une ambition qu’il poursuit depuis dix ans déjà. Avec 1 072 voix obtenues au dernier tour du Congrès général extraordinaire, il a battu à plate couture son principal rival, l’ancien secrétaire général de l’OUA, Salim Ahmed Salim (476 voix). Malgré son jeune âge, Jakaya Kikwete est ministre depuis dix-neuf ans et tient depuis 1995 le portefeuille des Affaires étrangères du gouvernement de Benjamin Mkapa.
Il y a dix ans, le premier tour des primaires du CCM l’avait déjà porté en tête des candidats à la présidentielle. Mais Julius Nyerere, encore révéré même s’il avait quitté le pouvoir en 1985, avait appelé les membres du comité exécutif à voter ensuite pour celui qu’il avait désigné comme son dauphin : Benjamin Mkapa. Jugeant Kikwete trop jeune – raison officielle -, il l’avait surtout écarté pour faire élire à sa place un homme moins fougueux et moins ambitieux sur lequel il était certain de conserver une certaine emprise. Mkapa, en effet, n’a fait que poursuivre l’héritage du Mwalimu. Consciencieux, voire terne selon certains observateurs, le président a pourtant réussi à mettre la Tanzanie sur le chemin de la croissance et en a fait le pays le plus stable d’une région des Grands Lacs en proie à de sanglants conflits.
Jakaya Kikwete a donc attendu patiemment son tour, sans pour autant rester dans l’ombre. À la tête de la diplomatie, il a entretenu un large réseau international et, en Tanzanie, a pris soin de se construire une bonne image, tant auprès des membres du parti qu’au sein de la population. Sa passion pour le sport et la présidence de l’association nationale de basket-ball qu’il assume n’y sont pas pour rien…
Engagé en politique depuis son plus jeune âge, Kikwete est un homme du parti. Dès la fin de ses études d’économie à l’université de Dar es-Salaam en 1975, le jeune homme originaire de Bagamoyo, sur la côte, s’engage dans l’armée, où il finit lieutenant-colonel à la tête des services de renseignements de 1977 à 1980, et s’inscrit au CCM où il grimpe rapidement les échelons de la hiérarchie. Le chef de l’État de l’époque, Ali Hassan Mwinyi, le repère et le nomme vice-ministre en 1986. Il ne quittera plus jamais le gouvernement, passant du ministère de l’Eau, de l’Énergie et des Minéraux à celui des Finances, puis à celui des Affaires étrangères. Soucieux de son image, Kikwete a toujours choisi de vivre dans son modeste logement de fonction, affirme sa foi musulmane sans oublier de mentionner qu’il a été éduqué dans une école catholique de missionnaires et que l’épouse de Nyerere lui a offert une Bible. Une précision de taille dans un pays qui prône le multiculturalisme.
Pour ne pas effrayer les Tanzaniens par un revirement soudain des politiques menées depuis Nyerere, le politicien parfois perçu comme arrogant a pris soin de déclarer qu’il comptait poursuivre le travail de son futur prédécesseur. Benjamin Mkapa, qui a décidé de quitter le fauteuil présidentiel comme la Constitution le lui demande, demeure d’ailleurs président du CCM et, à ce titre, il a tout pouvoir sur le chef de l’État. En Tanzanie, un président doit appartenir à un parti. Pendant les deux années qu’il reste à Mkapa à la tête du CCM, Kikwete sera donc surveillé de près. En attendant, ce dernier s’en donne à coeur joie et se prête avec délices aux tournées nationales qu’il effectue depuis le 21 août, date où la campagne a été officiellement lancée. Faisant fi des accusations non vérifiées de corruption dont ses adversaires l’accablent, Kikwete continue son petit bonhomme de chemin vers la magistrature suprême.

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