[Série] Beny Steinmetz : les aventures africaines du sulfureux magnat franco-israélien (1/3)

« L’Afrique, Soros et moi » (1/3). Condamné à cinq ans de prison pour corruption, Beny Steinmetz est engagé dans une guérilla judiciaire planétaire. Qui est cet homme d’affaires franco-israélien qui tutoie les puissants ? JA l’a rencontré en exclusivité à Genève. Récit.

Beny Steinmetz, à l’ouverture de son procès, à Genève, le 11 janvier 2021. © Fabrice Coffrini/AFP

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Publié le 5 mars 2021 Lecture : 18 minutes.

Beny Steinmetz : « L’Afrique, Soros et moi » © Photomontage : JA
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[Série] Beny Steinmetz : « L’Afrique, Soros et moi »

Discret magnat des mines et de l’immobilier, ami des puissants en Afrique et ailleurs, patriote israélien condamné pour corruption… Beny Steinmetz offre autant de facettes que les diamants qu’il avait naguère l’habitude de négocier. Qui est-il vraiment ? Quelle est son histoire avec le continent ? J.A. dresse son portrait, après l’avoir rencontré en exclusivité.

Sommaire

On imagine sans peine de richissimes hommes d’affaires gravir les marches de son entrée, couvertes d’un tapis écarlate. Sur les rives du lac Léman, au pied de la vieille ville de Genève, le palace Métropole semble hors du temps. Certains trouvent sa décoration surannée. D’autres louent une identité qui a peu changé depuis son inauguration, en 1854. En haut de l’escalier, un majordome accueille les rares visiteurs, tous masqués en ce 21 janvier.

Il y a quelque temps encore, banquiers et investisseurs y cherchaient la discrétion. On s’y croisait, faisant mine de ne pas se voir. On s’y épiait, surtout. Le ballet des puissants. Mais, en ces temps de pandémie, les fauteuils restent désespérément vides. Un midi sans saveur dans la capitale des secrets bancaires. Un serveur souriant tente de faire vivre l’illusion. Jus d’orange pressé, café – les deux de qualité. Nous attendons Beny Steinmetz pour pimenter le menu. Rendez-vous a été pris pour un déjeuner. Dans l’Europe de 2021, un événement.

Comme un lion en cage

La suite du Franco-Israélien, au premier étage, est modeste. Une rangée de fenêtres offre une vue sur le lac. Un canapé d’angle, une table basse… Beny Steinmetz s’assied dans le premier, pose un pied sur la seconde. Décontracté, chemise entrouverte, l’homme d’affaires au teint hâlé porte beau ses 64 ans. Il s’enquiert de notre voyage depuis Paris, en train. Lui préfère les jets privés.

De Guernesey aux Îles Caïmans, il serait lié à une constellation de sociétés

Depuis deux semaines, Steinmetz s’est installé à Genève. Question de commodité : quelques centaines de mètres séparent le Métropole du palais de justice, où son procès s’est ouvert voici dix jours. Dans la salle d’audience numéro trois, l’homme d’affaires s’est défendu des accusations selon lesquelles il aurait orchestré un “pacte de corruption” afin d’obtenir des permis miniers en Guinée entre 2006 et 2010.

Attaquant des témoignages selon lui mensongers, il a répété qu’il n’était qu’un « conseiller » de Beny Steinmetz Group Resources (BSGR), sans pouvoir décisionnaire. Au-dessus de lui, tel un bouclier s’étendant de Guernesey aux Îles Caïmans, une constellation de sociétés auxquelles il serait lié sans les diriger – il y en aurait 131, selon des sources ayant travaillé sur les Panama Papers – et une fondation sise au Liechtenstein, Balda, dont il ne serait que le bénéficiaire.

Au premier rang d’un tribunal vidé de son public, l’ex-milliardaire (sa fortune serait descendue au-dessous de la barre du milliard de dollars en 2020, selon Forbes) n’a pas dévié de sa ligne. Au sommet, il y a « peut-être Dieu », mais pas lui. Entouré de trois avocats suisses, dont le ténor à la crinière blanche Marc Bonnant, il a écouté et encaissé, huit heures par jour.

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Le 15 janvier, le premier coup tombe : le procureur, Yves Bertossa, requiert cinq ans d’emprisonnement. Le soir du 18, l’affaire est mise en délibéré. Le verdict étant attendu le lendemain de notre rendez-vous, Steinmetz ne se sait pas encore condamné.

Devant nous, il est comme un lion en cage. Méfiant à l’égard des journalistes, il a pourtant accepté de nous raconter son histoire.

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