Voyages à la carte

L’Afrique a accueilli 30 millions de touristes en 2003. En dépit d’une conjoncture mondiale plutôt morose, le nombre de visiteurs augmente régulièrement.

Publié le 12 juillet 2004 Lecture : 4 minutes.

Un palmier, un hamac, et une mer turquoise. Les symboles de farniente ornent les murs des agences de voyages. Et les offres sont alléchantes : « Huit jours en hôtel 4 étoiles en Tunisie à partir de 179 euros », « Neuf jours à Maurice pour 940 euros »… Les tour-opérateurs jouent la carte des « vacances au soleil pour pas cher ». L’Afrique présente de nombreux atouts pour les riches voyageurs européens. Des Seychelles au Kenya, du Sénégal à l’Afrique du Sud, les plages de sable fin rivalisent avec les grands espaces. Il est désormais loin le temps où les safaris et les parties de chasse n’attiraient que quelques riches occidentaux en mal de sensations fortes. L’offre s’est diversifiée et cible aussi le grand public : aventure sportive, découverte des traditions et sieste sur la plage… Et depuis une petite quinzaine d’années, l’alchimie semble fonctionner : entre 1990 et 2000, le nombre d’étrangers voyageant en Afrique a presque doublé (+ 84 %). En 2003, le continent a établi un nouveau record en recevant plus de 30 millions de touristes. Mais comme une image de papier glacé peut travestir la réalité, ces chiffres ne doivent pas oublier que l’Afrique reste une destination marginale : le flux des touristes correspond seulement à 4,4 % des entrées de visiteurs étrangers et n’engendre que 2,5 % des recettes mondiales. La seule Italie, avec ses 39,8 millions de touristes – sans parler des champions espagnols et français – fait mieux que tout un continent ! Les pays du Nord, dont l’industrie est bien organisée, imposent une concurrence acharnée et des marges restreintes. D’après les critères de la Banque mondiale, une trentaine de pays africains possèdent aujourd’hui une réelle industrie touristique. La règle du succès tient en deux ingrédients indispensables : des atouts naturels et une bonne gestion économique et politique du potentiel. À chaque pays ensuite de se construire son propre modèle de développement : celui du « tourisme de masse », comme au Maghreb ou au Sénégal ; celui du « haut de gamme », comme à Maurice ou aux Seychelles ; celui enfin de « l’écotourisme », comme au Kenya, au Botswana ou en Namibie… Sans parler du modèle sud-africain, qui allie plusieurs de ces atouts naturels et une stabilité économique et politique. En 2003, 6,5 millions de touristes ont découvert les beautés de la nation Arc-en-Ciel. Celle-ci occupe la première place du top five africain. Arrivent ensuite, quasi ex aequo, l’Égypte (5,7 millions en 2003, avec une hausse de 17 % par rapport à 2002) et la Tunisie (5,2 millions), suivies du Maroc (2,2 millions) et du Botswana (plus de 1 million). Ainsi, le Maghreb occupe toujours une très bonne place sur le continent et, d’après les prévisions de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), la situation devrait perdurer car les prix y sont – et devraient rester – beaucoup moins élevés que pour les autres destinations méditerranéennes. Dans ce palmarès, le Sénégal tire également son épingle du jeu. Avec un nombre d’entrées de 400 000 touristes en moyenne par an – en grande majorité des français -, ce pays est devenu la première destination touristique en Afrique noire francophone. En insistant sur ses plages et son ensoleillement continu toute l’année durant, le Sénégal occupe une bonne place dans le classement des « stations balnéaires d’hiver », selon la terminologie employée par les tour-opérateurs. Les autorités sénégalaises espèrent accueillir 1,5 million de touristes en 2010.
D’autres pays comme Maurice ou les Seychelles ont préféré développer un tourisme balnéaire haut de gamme, à très forte valeur ajoutée. Chaque touriste dépense environ 900 dollars par séjour sur ces îles de rêve, alors qu’un autre, ailleurs sur le continent, n’en dépensera pas plus de 400 en moyenne. Ayant réalisé une bonne saison en 2003 (682 000 visiteurs sur une île de 800 000 habitants), Maurice confirme sa place de leader du luxe : le secteur touristique représente 13 % de son PIB. Les Seychelles, à l’inverse, subissent de plein fouet la concurrence d’autres destinations comme Madagascar…
Enfin, d’autres pays ont préféré jouer la carte de l’écotourisme. En créant des espaces protégés et des réserves naturelles, certains États ont réussi à créer de véritables « niches vertes ». Ainsi, en Tanzanie, les parcs naturels et les réserves protégées représentent plus de 10 % de la superficie nationale. D’autres pays comme le Kenya, le Botswana, l’Afrique du Sud ont fait de même. Le Great Limpopo Transfrontier Park, ouvert à la fin de l’année 2002, est un grand succès. Situé à la frontière entre l’Afrique du Sud, le Mozambique et le Zimbabwe, il est devenu le plus grand parc naturel du monde. Preuve s’il en est qu’au-delà des divergences politiques l’écotourisme est devenu un élément fédérateur dans la sous-région. Les circuits interpays, souvent réservés à des touristes aux revenus très élevés, constituent une formidable manne financière.
Mais le chemin qui mène à la fortune est souvent semé d’embûches, et chaque crise – économique et politique – se paye au prix fort. Ainsi du Zimbabwe, où la florissante industrie touristique a complètement chuté à la suite de la politique intransigeante menée par Robert Mugabe. Même constat en Côte d’Ivoire : la crise actuelle a laminé un secteur qui attirait jusqu’à la fin des années 1990 environ 300 000 personnes par an. La règle est implacable : les tour-opérateurs cherchent avant tout des pays sûrs. Le moindre incident politique et la destination peut disparaître des offres proposées par les agences de voyages.

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