Vos lettres et emails sélectionnés

Publié le 12 juillet 2004 Lecture : 7 minutes.

« Je ne crois en rien »
Une fois de plus, Mohamed Talbi (« Vous avez dit islamologue », J.A.I. n° 2262) se tracasse parce que certains n’aiment pas sa religion. En ce qui me concerne, je ne crois en rien. Dès mes 8 ans, quand je suis allée au catéchisme, le curé m’a dit que Dieu nous aimait, qu’il était juste et bon. Le même jour, il nous a dit que nous, les femmes, accouchions dans la douleur pour racheter le péché d’Ève ! J’ai trouvé que cela n’était pas juste ni bon de me faire payer le péché d’une autre et encore moins de me faire naître fille. Ce que je crois, c’est que les hommes ne peuvent se résoudre à mourir et retomber dans le néant, ils se sont donc raconté de belles histoires auxquelles ils ont fini par croire et aussi s’en sont servis pour opprimer les plus faibles et les femmes (dans toutes les religions c’est comme cela). Pendant la Révolution, les curés disaient aux pauvres de ne pas se rebeller, puisque c’était la volonté de Dieu (bon et juste). On dit aux hindouistes intouchables qu’ils sont pauvres, et doivent le rester, donc ne pas essayer de changer les choses, puisqu’ils n’ont été pas gentils du tout dans leur vie précédente… Pour ce qui est de l’islam, moi qui suis une femme, comment pourrais-je avoir envie d’être mineure à vie, de ne plus voir le soleil à cause d’un voile, d’être cocue, battue, lapidée et de faire des enfants sans arrêt contre mon gré ?
Réponse : Libre à vous, bien entendu, de ne croire en rien. Votre présentation de la situation de la femme dans l’islam est toutefois quelque peu caricaturale. Sur ce plan (et sur bien d’autres), la Tunisie, par exemple, n’a pas grand-chose à voir avec l’Arabie saoudite ou le Yémen.

B.B.Y. critique trop les Américains
Je suis un fidèle lecteur de J.A.I., mais j’ai arrêté de lire l’éditorial de Béchir Ben Yahmed (Ce que je crois) qui n’est consacré qu’aux États-Unis. B.B.Y. critique tout ce que font les Américains et leur gouvernement : c’est stérile et non constructif. Il ne parle jamais de leurs réussites, alors que nous, Africains, aurions besoin de nous inspirer de ce qu’ils font pour nous développer. En Afrique, il y a pire que Bush (je ne citerai personne). Pensez à consacrer vos critiques aux dirigeants africains. Pour le bonheur de toute l’Afrique.
Réponse : J’ai critiqué et continuerai de critiquer la politique de l’administration de George Bush pour tout ce qu’elle a de critiquable. La moitié des Américains et les meilleurs d’entre eux manifestent de diverses façons leur désaccord. J.A.I. a cité les (rares) réussites américaines : au Soudan et dans l’apaisement des relations Inde-Pakistan. Si vous ne me lisez plus, vous exercez un droit et prenez une décision qui vous concerne.

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Le phénomène Corneille
Au coeur de la Champagne-Ardenne, Corneille, l’étoile montante de la chanson française d’origine rwandaise, a donné un concert exceptionnel le 2 juillet dernier. Le chanteur a attiré une foule immense à son spectacle. Ovationné par un public en liesse scandant son nom, ému jusqu’aux larmes en écoutant des jeunes chanter ses chansons, il a déclaré n’avoir encore « jamais connu ça ». Ce soir-là, il n’était pas seul au monde comme il le chante dans son dernier tube. Espérons que le monde sans pitié du show-biz ne privera pas ce garçon venu de loin qui fait chanter la France entière d’un avenir prometteur.

Haïdallah et le Sawab
Dans votre rubrique « Confidentiel » du 13 juin 2004 (n° 2266), vous avez évoqué, incidemment, notre parti, le Sawab, en prenant quelque liberté avec son nom, remplaçant le S initial par un F. La même liberté a été prise avec l’évocation des conditions dans lesquelles ce parti est né. Vous affirmez en effet que l’ancien président Haïdallah a dû se résoudre à « laisser ses proches fonder sans lui un nouveau parti d’opposition ». Il est de notoriété publique que les proches de Haïdallah ont tenté il y a quelque temps de créer un parti. Ce sont d’autres cadres et personnalités politiques qui ne se définissent ni comme des « proches » ni comme des ennemis de Haïdallah qui ont fondé le Sawab le 15 mai 2004. Ismael Ould Amar et Mohamed Yehdih Ould Breïdleil, dont vous parlez, sont au nombre des membres du Sawab, sans qu’ils aient reçu pour cela le moindre mandat ou feu vert de l’ancien président, qu’ils n’ont pas revu depuis des mois.
NDLR : Il s’agissait évidemment d’une (toujours regrettable) coquille et non d’une quelconque « prise de liberté » – chacun l’aura compris. Pour le reste, vos précisions sont les bienvenues.

« Bil Arabia » : magnifique !
J’étais sceptique au moment du changement de nom de Jeune Afrique. Maintenant, je suis certain que c’était un bon choix, et L’intelligent me surprend plus agréablement de semaine en semaine.
L’État de l’Afrique est venu enrichir votre palmarès. Il est beau, complet, bourré de chiffres et de statistiques, bref c’est une mine pour celui qui est avide de savoirs et de connaissances concernant ce continent.
Ma surprise fut encore plus grande de découvrir Jeune Afrique en arabe et de constater en le feuilletant que ce magazine n’a rien à envier à son grand frère. Bil Arabia est magnifique.

Charivari sans fondement
Je suis surpris et choqué de constater avec quelle insistance vous stigmatisez actuellement les Maghrébins pour un certain racisme – imaginaire – vis-à-vis des Noirs. Je ne sais pas si vous avez pris la mesure des retombées d’une telle entreprise. Les peuples d’Afrique, qu’au fond rien ne différencie, mise à part la latitude sous laquelle chacun d’eux vit, ont été assez malmenés par la colonisation et sont encore empêtrés dans toutes sortes de problèmes, politiques, ethniques, sociaux et j’en passe, pour leur ajouter d’autres sujets de division et de rancoeur.
Croyez-le bien, le charivari de M. Zoubeirou Maïga ne correspond à aucune réalité marocaine. Les critiques sans fondement auxquelles il s’est livré avec si peu de courtoisie à l’endroit d’un pays qui n’a pas failli à sa tradition d’hospitalité en le recevant pendant quinze ans ont de quoi aigrir les plus tolérants et les plus libéraux d’entre nous.

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Des réactions chauvines
Les personnes qui ont trouvé l’article sur le racisme au Maroc (n° 2266) injurieux pour notre pays réagissent de manière chauvine pour embellir l’image du pays et ne font que se voiler la face, de manière consciente ou non.
Moi-même Marocain issu d’un mariage mixte (mi-marocain mi-suisse), ayant vécu jusqu’à l’âge de 22 ans dans ce beau pays, je peux affirmer que les Marocains peuvent (comme tous les peuples du monde) tomber dans la stupidité du racisme, envers les Noirs mais aussi envers ceux qui sont trop blancs quand leur sensibilité est touchée (lors de la guerre du Golfe, par exemple).
L’origine de ce mal réside entre autres dans le passé impérial du Maroc qui fut une puissance occupante de l’Afrique subasaharienne et du sud de l’Europe. Le racisme manifesté par mes compatriotes est aussi une façon de s’affirmer quand ils subissent eux-mêmes la xénophobie directe des autres ou lorsqu’un événement, sportif ou autre, vient leur rappeler que le Maroc peut se faire battre par des pays d’Afrique noire (cas de l’organisation de la coupe du monde de football 2010).

Tchad : je suis indigné
Je suis indigné par la modification, le 26 mai dernier, de la Constitution tchadienne par les partisans du président Idriss Déby. Une fois de plus, le processus démocratique est pris en otage. En modifiant les règles du jeu, on a fermé la porte à l’alternance démocratique par la voie des urnes. Mais le pouvoir appartient au peuple tchadien et ne sera jamais le bien d’une personne ou d’un clan. J’appelle donc les pays voisins et les principaux partenaires économiques du Tchad (notamment la France, les États-Unis, l’Union européenne, la Banque mondiale et les Nations unies) à se départir de leur complaisance et à prendre la mesure des risques d’éclatement du pays et des répercussions désastreuses que cela aurait sur l’ensemble de la région.

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Il n’y a que la vérité qui blesse
À lire les commentaires souvent agressifs à propos de l’article sur le racisme des Marocains, je constate que l’on touche ici à un tabou. Bravo à J.A.I. pour son franc-parler et son refus du politiquement correct, cette maladie si proche de l’hypocrisie et de l’irresponsabilité ! Dire que tous les Arabes sont racistes est bien sûr excessif. Mais dire que le racisme envers les Africains noirs n’existe pas serait un mensonge éhonté. Par ailleurs, ces mêmes personnes qui se plaignent du racisme anti-arabe en Europe ou en Amérique sont souvent celles qui dénigrent les Subsahariens. Et si cette vérité blesse, alors il faut la répéter.

Le Marocain ne se sent pas africain
Le témoignage de Zoubeïrou Maïga paru dans votre n° 2266 est saisissant de vérité. J’ai étudié au Maroc pendant six années et l’existence de discriminations à l’égard des Subsahariens y est indéniable, comme d’ailleurs dans d’autres pays.
Le problème ne concerne pas que l’homme de la rue. Tout étudiant de Rabat confirmera que sa hantise est la carte de séjour. C’est le parcours du combattant pour l’obtenir. Il vous est systématiquement refusé le récépissé de dépôt de votre dossier, alors qu’au même moment Tunisiens ou Algériens y ont droit. Quant aux Européens, c’est avec des courbettes qu’ils sont reçus à la Sûreté nationale, l’administration qui établit les cartes. Il va également de soi que si vous êtes touriste occidental, vous serez reçu en grande pompe. On sait que le tourisme est une filière économique très importante au Maroc. Je soutiens également que le Marocain ne se sent pas africain. Peux-on d’ailleurs le lui reprocher ? Tout le royaume est résolument tourné vers l’hémisphère Nord. Il enfile un habit africain quand ses intérêts l’exigent.

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