Sous les obus boers

Après la dictature d’Idi Amin Dada et les attentats d’el-Qaïda, Giles Foden remonte le temps pour raconter la bataille qui opposa en 1899 les Anglais aux premiers colons blancs d’Afrique du Sud.

Publié le 12 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

Devinette : où Mohandas Gandhi et Winston Churchill se sont-ils croisés, sinon rencontrés, pour la première fois ? La réponse se trouve dans le nouveau roman de Giles Foden intitulé Ladysmith. Après s’être penché sur l’histoire de l’Ouganda et les frasques de son ubuesque dictateur Idi Amin Dada (Le Dernier Roi d’Écosse), après avoir filé les terroristes d’el-Qaïda à Zanzibar, Nairobi et Dar es-Salaam (Les Tortues de Zanzibar), le journaliste du Guardian explore une fois de plus l’histoire de l’Afrique, son continent d’adoption. Mais cette fois, il s’enfonce plus avant dans les méandres du passé en nous racontant l’une des plus cruelles batailles de la guerre des Boers, en Afrique du Sud : le siège de la petite ville de Ladysmith, tenue par les Anglais, qui dura cent dix-huit jours entre novembre et février 1899.
Vous l’aurez compris, Gandhi et Churchill se trouvent tous deux dans les parages quand la ville plie l’échine sous une pluie d’obus boers. Le futur Premier ministre du Royaume-Uni n’a alors que 25 ans. Arrivé à Estcourt, dans le Kwazulu-Natal, en 1899, il est reporter de guerre pour le London Morning Post. Embarqué à bord d’un train blindé en direction de Colenso, il tombe dans une embuscade, et le général Piet Joubert ordonne son emprisonnement à Pretoria. En moins de deux mois, il réussit une rocambolesque évasion – caché à bord d’un train de charbon, puis dans un camion – qui le conduit jusqu’au Mozambique et lui assure une certaine renommée en Angleterre…
Quant au jeune avocat Mohandas Gandhi, âgé de 30 ans, il est arrivé en Afrique du Sud en 1893 (il n’en partira que vingt et un ans plus tard) pour y exercer son métier en tant que « sujet britannique ». Avec la guerre, il est devenu brancardier au sein des forces du général Buller et forme ses compatriotes indiens à cette profession à hauts risques, et ce malgré l’oppression dont ils sont victimes sous la férule anglaise…
Quoique mondialement connus, ces deux illustres personnages ne sont pas les seuls acteurs du drame mis en scène par Giles Foden. Pour relater l’événement, l’auteur a fait appel autant aux archives disponibles qu’à son imagination. Le roman lui a été inspiré par les lettres de son arrière-grand-père, soldat de la cavalerie britannique à Ladysmith, après qu’il les eut découvertes au milieu du matériel de pêche, dans le grenier familial. L’idée s’est étoffée grâce aux livres de souvenirs des journalistes H. W. Nevinson, Donald MacDonald et G. W. Steevens (lesquels sont présents dans le roman), grâce aussi à l’étude de Thomas Pakenham sur la guerre des Boers et à certains écrits de Winston Churchill.
Luxe remarquable, le manuscrit anglais a été relu par le Prix Nobel de littérature 2003 J.M. Coetzee. Ladysmith respecte la vérité historique et lui donne corps à travers les destins imbriqués des Zoulous Wellington, Nandi et Muhle, des soldats britanniques Tom et Perry Barnes, des soeurs irlandaises Bella et Jane Kiernan, qui croisent ceux de personnages historiques comme les généraux White, Joubert ou Buller.
À trop vouloir multiplier les rôles, Giles Foden brosse parfois des caricatures fades dont les souffrances n’émeuvent guère. Bons sentiments et commentaires politiquement corrects pèsent sur une intrigue cousue de fil blanc. Reste que l’écrivain décrit avec justesse les souffrances dues à la guerre, la mort qui pleut, crachée par les canons – dont le fameux « Long Tom » – des Boers, les chevaux que l’on abat pour en dévorer la chair, les ravages de la typhoïde, les excréments et les cadavres transportés par la rivière Klip, et le racisme, bien sûr, dont sont victimes les « cafres » et les « coolies ».
Leçon d’histoire pour ceux qui ne connaissent pas cet épisode de la guerre des Boers, Ladysmith pourrait donner matière à méditation à ceux qui, à travers le continent, se battent comme autrefois les Blancs se battaient sur leur territoire. Avec la même rage, le même manque de discernement et… beaucoup moins de fair play.

Ladysmith, de Giles Foden, traduit de l’anglais par Olivier Deparis, Éditions de l’Olivier, 380 pages, 21 euros.

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