« Scalpels safaris »

De plus en plus d’étrangers viennent subir une opération de chirurgie esthétique en Afrique du Sud. Et en profitent pour découvrir le pays.

Publié le 12 juillet 2004 Lecture : 4 minutes.

Lassé de votre peau ridée comme celle d’un éléphant et de votre culotte de cheval ? Envie d’une rhinoplastie mais aussi de voir des rhinocéros ou de faire une liposuccion sans rater les lions ? C’est possible, avec les « scalpels safaris », en plein essor en Afrique du Sud. Le concept : une opération chirurgicale sur mesure doublée d’un séjour à la carte pour découvrir le pays. Pionnière sur ce créneau, Lorraine Melvill a lancé son agence, Surgeon & Safari, fin 1999. Sur son site Internet, qui revendique aujourd’hui 3 000 visiteurs par jour, un questionnaire en ligne permet de choisir le type d’opération, le chirurgien et le package souhaités. Les patients pansent leurs plaies dans de luxueux hôtels du Cap, dans un cottage privé ou dans un bed & breakfast avant de partir en safari, découvrir les vignobles sud-africains ou visiter le township de Soweto.
Profitant du faible taux du rand, Lorraine propose une gamme d’interventions chirurgicales à des prix compétitifs (de 50 % à 75 % moins chers qu’aux États-Unis), qui va de l’ophtalmologie à la chirurgie plastique, en passant par l’orthopédie ou la dermatologie. Exemples : pour une implantation mammaire, une femme débourse entre 6 500 et 9 200 dollars en Grande-Bretagne, et autour de 10 000 dollars aux États-Unis. Grâce à Surgeon & Safari, elle ne dépensera plus que 2 500 dollars, et 2 800 dollars de plus pour une semaine de vacances en hôtel 5 étoiles. Un lifting coûte entre 9 200 et 16 500 dollars en Angleterre, 20 000 dollars aux États-Unis, et 3 900 dollars en Afrique du Sud… Depuis 2000, Lorraine accueille une moyenne de trente personnes par mois qui restent généralement quinze jours sur place. « Je reçois en majorité des femmes entre 40 ans et 60 ans. Les opérations les plus demandées sont le lifting du visage et des paupières, la liposuccion du ventre et les implants mammaires. Mais j’ai aussi 20 % d’hommes, des hommes d’affaires ou des homosexuels, dont l’âge varie entre 22 ans et 75 ans. » Le chiffre d’affaires de Surgeon & Safari a atteint 6 millions de dollars en 2003. Élue « businesswoman d’Afrique du Sud 2002 », Lorraine Melvill lance actuellement un nouveau service de chirurgie réparatrice, Saving Face, pour opérer les malformations de naissance ou dues à un accident. Elle affirme n’employer que des chirurgiens inscrits au Conseil médical et dentaire d’Afrique du Sud et refuser environ 30 % des demandes, lorsqu’elles sont fantaisistes ou risquées pour le patient.
Aujourd’hui, sa formule a fait des émules et plusieurs sociétés sud-africaines proposent les mêmes prestations. C’est le cas de Surgical Adventures, lancée en mars 2002 par Andrew Oosthuizen. « Je gère un business fondé sur la confiance. Le tourisme médical représente un énorme potentiel en Afrique du Sud, car il y a de bons chirurgiens et les interventions coûtent moins cher qu’ailleurs. En plus, vous êtes totalement anonyme et vous pouvez faire passer une opération pour de simples vacances. » Si Andrew propose surtout de la chirurgie esthétique, d’autres sociétés, profitant de la défaillance des systèmes de santé de certains pays occidentaux, notamment la Grande-Bretagne, proposent des interventions lourdes comme des opérations cardiaques, de la hanche ou du genou, et se spécialisent dans la neurologie, la gynécologie, l’obstétrique ou l’urologie. Sur le site de Health Hopper Holidays, une opération à coeur ouvert est même proposée. « Le tourisme médical souffre d’un manque de normes précises », regrette Lorraine Melvill. Certains médecins dénoncent les problèmes éthiques liés à la multiplication des opérations de « bien-être » et les risques encourus. L’Association des chirurgiens plastiques d’Afrique du Sud note notamment les dangers de la consultation virtuelle. Un des chirurgiens de Surgeon & Safari explique : « C’est vrai que la consultation par Internet peut être risquée. C’est pourquoi nous voyageons le plus souvent possible pour consulter sur place. Et nous nous réservons le droit de ne pas opérer. » Malgré ces problèmes éthiques, le tourisme médical semble avoir de beaux jours devant lui en Afrique du Sud. Les clients, exclusivement étrangers, dépensent entre 16 300 et 24 500 dollars pour deux semaines. Et les médecins travaillant à leur compte profitent des retombées de ce business florissant. Le Dr Dirk Lazarus, chirurgien plastique basé au Cap, propose, via son site Internet, des « formules libres » : « Je traite les touristes médicaux depuis plusieurs années. Mon site laisse la liberté d’organiser son séjour en évitant de payer les commissions aux agences de voyages. » Ses clients viennent d’Arabie saoudite, d’Allemagne ou encore des États-Unis. Là encore, ce sont la liposuccion et l’implantation mammaire qui sont les plus demandées. Mais de nouvelles formules font leur apparition. Désormais, certains proposent même une insémination artificielle aux femmes en mal de maternité. Un « service » qui s’adresse aussi aux couples homosexuels des deux sexes, les hommes pouvant faire appel à une mère porteuse. Consultation, banque de sperme, fécondation in vitro… les organisateurs de « baby-on-safari » offrent toute une gamme de prestations. Le package « vacances + insémination » coûte environ 4 900 dollars). Mais la grossesse n’est pas encore garantie sur facture !

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