Paroles d’administrateurs

Publié le 12 juillet 2004 Lecture : 2 minutes.

En 1930 « l’Empire » français est à son apogée. Trente ans plus tard, il éclate et les premières colonies proclament leur indépendance. La France d’outre-mer retrace, à travers le regard des administrateurs coloniaux, ces trois décennies d’histoire qui bouleversèrent la France, l’Afrique et le monde. Comme l’écrit Daniel Doustin, qui a servi au Cameroun, « dans cette grande histoire qui a secoué de fond en comble la planète […] se greffe la petite histoire de l’administrateur de la France d’outre-mer. Une petite histoire simple et modeste, et pourtant essentielle. Car c’est bien l’administrateur qui, sur le terrain, au contact des hommes et des faits, doit assurer la présence de la France, quelle que soit l’importance des événements internationaux ou les vicissitudes de notre politique intérieure. Il doit continuer à assurer un double service : le service de son pays et celui des populations dont il a la charge. »
L’ouvrage est né du devoir de mémoire d’une douzaine d’anciens élèves de l’École nationale de la France d’outre-mer, l’Enfom, qui, en 2000, décident de réunir, avant qu’il ne soit trop tard, les témoignages de leurs camarades. L’objectif est de « présenter sans la commenter l’action qui a été la nôtre, telle que nous l’avions perçue », écrit Jean Clauzel, ancien administrateur au Soudan français.
On plonge ainsi au coeur du métier de l’administrateur, découvrant ses motivations, son apport au développement du pays et son rôle dans l’accompagnement de l’évolution politique des colonies.
On s’arrête sur les interrogations de certains, comme Jacques Lestringant en poste au Cameroun : « L’agent français d’autorité que j’étais se sentit perdu dans une épaisse obscurité. À qui apportait-il réellement son concours ? S’il était au service du gouvernement français qui l’avait expédié dans un coin reculé d’Afrique, quelle certitude avait-il de servir le véritable intérêt des Camerounais ? Entre le devoir de concourir au prestige de sa patrie et celui de travailler pour le bénéfice du pays de résidence, y avait-il une concordance assurée ? »
On perçoit comment la Seconde Guerre mondiale a été un tournant dans l’histoire coloniale. Comment la défaite de 1940 a porté un coup au prestige de la puissance impériale et comment la fin de la guerre et la victoire des alliés « auront fait lever en Afrique l’espérance d’un profond changement dans les relations jusqu’ici très paternalistes de la métropole avec les sujets de son empire. On ne peut plus traiter de la même manière les Africains qui, les premiers, sont venus au secours de la France humiliée », écrit Guy Maillard, administrateur en Mauritanie de 1955 à 1960.
Bien sûr, le livre n’échappe pas toujours à la nostalgie, et le vocabulaire employé par certains fait parfois très « colonial ». Mais tout l’intérêt de cet ouvrage est dans l’accès à la parole « brute » des acteurs. Longtemps, les administrateurs se sont tus, troublés par le climat anticolonialiste qui a prévalu après les indépendances. Aujourd’hui, l’heure n’est plus aux bilans sur les bienfaits ou les dégâts de la colonisation, mais à l’étude d’une période qui demeure essentielle pour comprendre l’Afrique contemporaine, et qui, comme tout fait historique, mérite une analyse dépassionnée.

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