Notes métisses et rythmes Sataniques

Publié le 12 juillet 2004 Lecture : 2 minutes.

Ahmed Raïssouni, l’idéologue du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste), n’apprécie certainement pas les notes magiques qui jaillissent du bout des doigts du pianiste cubain Omar Sosa. Les percussionnistes menés par le Sénégalais Doudou N’Diaye Rose ne doivent pas non plus trouver grâce à ses oreilles. Quant aux rythmes rastas des Wailers, gageons qu’il les juge tout simplement sataniques Que dire des Jil Jilala, groupe non moins mythique né dans les faubourgs miséreux de Casablanca dans les années 1970 ? Et pas question pour lui d’écouter les morceaux des jeunes talents comme Barry ou Hoba Hoba Spirit ! De tous ces musiciens programmés au festival d’Essaouira qui s’est déroulé du 24 au 27 juin 2004, ainsi que des maâlems gnaouas, qui mêlent leur guembri et leurs crotales aux guitares des uns et aux saxos des autres, le dirigeant islamiste ne veut pas en entendre parler !
Quelques jours avant l’inauguration de la grande manifestation d’Essaouira, Ahmed Raïssouni a tout bonnement écrit dans Attajdid, le journal de son parti, qu’il faudrait interdire tous les festivals et autres événements culturels ou artistiques. Ces manifestations ne seraient, avance-t-il, qu’un alibi pour s’adonner à « l’alcool, la drogue, la danse, l’adultère, l’homosexualité et la perversion sexuelle et intellectuelle »… En d’autres termes, les festivals ne seraient que des espaces propices au stupre et à la fornication ! L’idéologue du parti islamiste, pourtant dit modéré, pense tout bonnement que la musique pervertit les moeurs.
Ce n’est pas la première fois que les formations barbues vouent aux gémonies la grand-messe gnaoua et appellent à son boycottage, mais cela n’empêche pas le public de venir toujours plus nombreux. Les 400 000 personnes présentes cette année (contre 350 000 lors de l’édition précédente) représentent un joli pied de nez à l’obscurantisme. À la grande satisfaction d’André Azoulay, conseiller du roi et président-fondateur de l’Association Essaouira-Mogador. Un petit bémol, toutefois : il ne faudrait pas que le festival, qui se veut espace de liberté, tombe à son tour dans le piège de la censure en supprimant à la dernière minute, comme cela s’est produit, de la brochure officielle un encart publicitaire, jugé politiquement incorrect, d’un de ses sponsors (Le Journal, en l’occurrence).

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