Maurice Freund

Président du Point-Afrique

Publié le 12 juillet 2004 Lecture : 4 minutes.

Le Point-Afrique est un tour-opérateur un peu particulier. D’abord parce qu’il parie sur des destinations peu courues, loin de tous les circuits classiques. Ensuite, parce qu’il s’agit d’une coopérative de voyageurs, dont le but n’est pas, par définition, de s’enrichir mais de réinvestir les bénéfices sur place. Maurice Freund, son président-fondateur, est un habitué de ce genre d’aventures : au milieu des années 1960, il crée Le Point Mulhouse, une association qui proposait des vols charters vers l’Amérique du Sud puis vers les Antilles. Avant de fermer boutique à la fin des années 1980 en raison de la concurrence des agences de voyages. Il devient ensuite directeur général d’Air Mali, fonction qu’il occupera jusqu’en 1990. L’idée lui vient alors de lancer une liaison aérienne entre Paris et Gao. Mais l’instabilité politique qui prévaut dans le nord du pays, avec la rébellion touarègue, ne s’y prête pas. Année 1995 : la paix est de retour et Maurice Freund a toujours le rêve d’emmener des touristes au Nord-Mali. Il rencontre alors les autorités de Gao. En décembre 1995, Le Point-Afrique, créé pour l’occasion, affrète le premier avion entre Paris et Gao avec 130 personnes à bord. Près de dix ans plus tard, le tour-opérateur emmène près 58 000 voyageurs par an en l’Afrique de l’Ouest. Les destinations se sont diversifiées : Mali, Mauritanie, Burkina, Bénin, Togo… Et même, depuis peu, le Rwanda.

Jeune Afrique/l’intelligent : Qu’offrez-vous par rapport aux autres tour-opérateurs ?
Maurice Freund : Quand vous arrivez dans un endroit superbe mais totalement enclavé, vous faites le pari de créer ex nihilo une demande touristique pour cette destination. C’est exactement ce que nous avons fait en ouvrant d’abord une ligne sur Gao, au Mali, puis sur Atar en Mauritanie. Des grands voyagistes comme Terres d’aventure, Comptoir du désert, Terra incognita, etc. proposaient déjà des voyages au Niger ou en Mauritanie… Mais leurs circuits étaient très onéreux, et donc réservés à un public extrêmement réduit. Nous sommes arrivés sur le créneau en proposant des vols secs et des circuits jusqu’à 60 % moins chers.
J.A.I. : Quel est le secret de votre réussite ?
M.F. : On intègre la population locale. Nous ne sommes pas là pour les aider, mais pour leur proposer de faire du commerce ensemble. On a formé des guides parmi les licenciés de géologie et de géographie, et les responsables de nos groupes sont des chameliers qui connaissent très bien la région. Au total, on a créé des centaines d’emplois ! Prenez l’oasis de Chinguetti, en Mauritanie : quand nous sommes arrivés en 1996, il ne restait quasiment plus que des vieux, l’oasis vivotait. Aujourd’hui, les jeunes sont revenus et une vingtaine d’auberges se sont ouvertes. C’est vrai aussi à Gao ou à Agadès… Pour nous, le tourisme est avant tout un formidable outil de développement.
J.A.I. : N’est-ce pas dû d’abord à une autre façon de faire du tourisme ?
M.F. : C’est vrai que, depuis une dizaine d’années, on valorise le tourisme sportif aux dépens du tourisme de bronzette. Dans les trekkings et les voyages d’aventure, on perd le confort, mais on privilégie le contact humain et la beauté des paysages… En un mot, le dépaysement le plus complet. Et cette nouvelle façon de voir les choses est une chance formidable pour l’Afrique. Beaucoup de pays africains veulent encore « faire du tourisme » en investissant des millions. Ce modèle était celui des années 1980, quand les opérateurs européens aménageaient de grands hôtels sur le littoral. Aujourd’hui, avec un peu d’imagination, on peut faire beaucoup sans investir massivement. Il suffit simplement de trois casseroles et d’une tente !
J.A.I. : Quels sont vos prochains défis ?
M.F. : On aimerait construire quelque chose au nord du Tchad. Mais la situation est encore trop troublée. On en revient toujours à cette image catastrophique que l’Afrique renvoie au reste du monde, avec son cortège de guerres, de violences, de famines… L’Afrique vaut mieux que ça !
J.A.I. : Le Point-Afrique a tenté la semaine passée d’affréter un premier vol charter vers le Rwanda. Mais les autorités ont suspendu in extremis votre autorisation d’exploitation. N’est-ce pas décourageant ?
M.F. : Si, c’est décourageant. Tout d’abord pour les centaines de personnes qui ont acheté un billet et qui n’ont pas pu voyager. Ensuite pour notre société, qui a investi beaucoup pour promouvoir cette destination. Pour justifier ce blocage, les autorités nous ont dit qu’elles préféraient privilégier le tourisme haut de gamme, mais je crois que la raison de notre suspension est ailleurs. Et je le comprends très bien : la situation géopolitique dans la région des Grands Lacs et les relations entre le Rwanda et la RD Congo demeurent extrêmement complexes. Je suis déçu, mais je suis prêt à travailler de nouveau avec le Rwanda. Je crois que le Point-Afrique peut contribuer à favoriser une nouvelle approche des relations entre la France et le Rwanda.

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