Marlon Brando

Le comédien américain est décédé le 1er juillet à Los Angeles.

Publié le 12 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

Star. Antistar. Géant. Monstre sacré. Animal. Bête de scène. Bête de sexe. Dieu. Don Juan. Rebelle. Mythe. Génie. Et puis : beau, sensuel, séducteur, viril, excessif, intransigeant, capricieux, magnétique, narcissique, révolté, autodestructeur, puissant, brutal, rageur, légendaire, solaire, inoubliable, éternel… Comment parler de Marlon Brando sans utiliser ces qualificatifs que la mort fait fleurir dans les hommages rendus à l’acteur décédé le 1er juillet à Los Angeles ? Inutile d’essayer, c’est impossible. Parce qu’il habite l’imaginaire collectif. Parce qu’il a débarrassé le cinéma de la théâtralité qui l’encombrait. Parce qu’il a incarné l’homme du XXe siècle.

La vie de Marlon Brando, né à Omaha (Nebraska) dans une réserve sioux, le 3 avril 1924, ne se résume pas. Il y a les lointaines origines alsaciennes (son vrai nom est Brandeau), la mère actrice et le père représentant de commerce, puis l’étape de l’Actor’s Studio, la rencontre avec son mentor Stella Adler, les planches de Broadway brûlées dès 1944 dans Un tramway nommé désir, de Tennessee Williams et mis en scène par Elia Kazan. Il y a l’érotisme à fleur de tricot de peau, le charisme de la voix et du corps, les conquêtes féminines. Il y a les films d’Elia Kazan (Un tramway…, Viva Zapata, Sur les quais), de Joseph Mankiewicz (Jules César, Blanches Colombes et vilains messieurs), de Laslo Benedek (L’Équipée sauvage), de Sydney Lumet (L’Homme à la peau de serpent), de Charlie Chaplin (La Comtesse de Hong-Kong), de John Huston (Reflets dans un oeil d’or), de Bernardo Bertolucci (Le Dernier Tango à Paris) et, bien sûr, de Francis Ford Coppola (Le Parrain, Apocalypse Now). Il y a les cachets faramineux, les kilos d’ice cream qui déforment le corps, l’achat de l’atoll polynésien de Tetiaroa, les rôles choisis sans plan de carrière parce que « cesser d’être acteur est un signe de maturité ». Il y a tous ceux qui s’inspirent de sa façon de marmonner et d’intérioriser ses textes : Paul Newman, James Dean, Jack Nicholson, Dustin Hoffman et bien d’autres encore. Il y a la vie privée étalée au grand jour quand son fils tua le fiancé de sa fille, Cheyenne, qui se suicida un peu plus tard. Il y a la fin, pénible, lente, pitoyable.
L’histoire est fantasque, les rebondissements fréquents. Demeure une constante : l’engagement en faveur des minorités. Exempté de service militaire, Brando se souvenait : « Sur le formulaire, à la suite du mot race, j’ai écrit « humaine » et, sur la ligne en dessous, j’avais ajouté au mot couleur : « ça dépend ». » Révélateur. Dès le début des années 1960, il participe au groupe antinucléaire Sane créé par des artistes noirs. En août 1963, il accompagne la marche sur Washington pour les droits civiques, au côté de l’écrivain James Baldwin, puis manifeste dans le Sud avec les freedom riders contre la ségrégation. En mars 1964, il prend fait et cause pour les Indiens qui défient la loi en pêchant dans la rivière Puyallup afin de faire valoir leurs droits ancestraux. Sans se soucier des conséquences que ses choix peuvent avoir pour sa carrière, il soutient les Black Panthers et assiste au service funèbre de George Jackson, le leader noir assassiné en prison. Et quand, en 1973, son rôle dans Le Parrain lui vaut un second oscar, il envoie une (fausse) Indienne, Sacheen Petite Plume, déclarer à sa place : « Le cinéma et la télévision ont trop maltraité les Peaux-Rouges. » Enfin, alors qu’il demande 3,7 millions de dollars pour jouer le père de Superman, il accepte de tourner pour une poignée de dollars dans Une saison blanche et sèche, dénonciation virulente de l’apartheid adaptée du roman d’André Brink par la Martiniquaise Euzhan Palcy.

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On l’oublie trop souvent : pour créer le colonel Kurtz d’Apocalypse Now, Francis Ford Coppola s’est inspiré du Coeur des ténèbres, mais aussi du superbe Lord Jim, de Joseph Conrad. Morale et folie, passion et volonté de puissance, il y avait du Lord Jim chez Marlon Brando.

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