La machination

Publié le 12 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

Alors que l’administration Bush se démenait pour trouver une réplique aux attaques meurtrières d’el-Qaïda, les membres d’un groupe de sionistes américains proche du Likoud,
conduits par le secrétaire adjoint à la Défense Paul Wolfowitz, sautèrent sur l’occasion qui leur était donnée d’imposer leur programme. Leur objectif numéro un était de faire tomber Saddam Hussein. Ce dernier représentait à leurs yeux une menace majeure pour Israël depuis qu’il avait réussi à neutraliser l’Iran en 1988. Pour étayer leur plaidoyer en faveur d’une ouverture immédiate des hostilités, ils avaient inventé une théorie selon laquelle un « changement de régime» en Irak entraînerait la chute des régimes syrien et iranien tout en faisant entrer dans le rang l’Égypte et l’Arabie saoudite. L’équilibre des forces du Moyen-Orient devait ainsi basculer en faveur d’Israël et des États-Unis. Le monopole israélien en matière d’armes de destruction massive serait pérennisé, et Ariel Sharon, Premier ministre cynique et brutal, serait à même de détruire une fois pour toutes les Palestiniens et leurs aspirations nationales ainsi que de s’emparer de ce qui restait de la rive occidentale du Jourdain. Dans cette attente, on mettrait en veilleuse le processus de paix arabo-israélien jusqu’à ce qu’Israël tout-puissant soit en mesure d’imposer à un monde arabe défait des conditions qui auraient été jugées inacceptables en d’autres circonstances.

Avec l’aide de leurs zélateurs, présents tant dans les médias qu’au sein de groupes d’experts de Washington nettement marqués à droite, les « néocons » ont pris le contrôle de l’appareil de sécurité nationale dans l’administration Bush en réussissant à faire taire, au terme d’une lutte féroce, les voix dissonantes qui se faisaient entendre au département d’État et à la CIA. Leurs noms sont désormais connus dans le monde entier : Paul Wolfowitz, Richard Perle, Douglas Feith, Elliott Abrams, William Luti… Le credo de ces idéologues était que les intérêts américains et israéliens coïncidaient exactement.
Il leur fallait encore « prouver » que Saddam disposait d’armes de destruction massive, qu’il était lié aux terroristes du 11 septembre et qu’il faisait peser une menace imminente. Pour cela, ils allaient devoir fabriquer et diffuser de fausses informations. C’est l’Office of Special Plans OSP) qui fut chargé de corrompre les services de renseignements américains. Cette unité relevant du Pentagone pratiquait la désinformation à partir d’éléments fournis par des émigrés irakiens entretenus par Ahmed Chalabi – l’homme qui avait été désigné pour diriger le gouvernement après la chute de Saddam et son Congrès national irakien. L’enthousiasme belliqueux des néocons était tel qu’ils allèrent jusqu’à prétendre que les soldats américains seraient accueillis en libérateurs. Résultat : les effectifs déployés se révélèrent insuffisants et on négligea de préparer
l’après-guerre. Sans parler de toutes les erreurs commises par la suite, dont la plus grave fut sans doute la décision prise par Paul Bremer, le proconsul américain en Irak, de
dissoudre l’armée irakienne et d’écarter de l’administration tous les membres de l’ancien parti Baas, jetant ainsi à la rue plus de 450 000 personnes.

la suite après cette publicité

Coût humain de l’opération : au moins 17 500 Irakiens, militaires et civils, tués et 40 000 blessés. La coalition a perdu un millier d’hommes environ, tandis que le nombre des blessés dans ses rangs s’élevait à près de dix fois ce chiffre. Le contribuable américain a déjà dû payer plus de 150 milliards de dollars pour financer ce conflit, tout en sachant qu’il sera à nouveau fait appel à lui dès le début de l’année prochaine.
D’autres coûts, plus difficiles à évaluer, n’en sont pas moins lourds à supporter : les dommages causés à la crédibilité des États-Unis dans le monde, la démoralisation de forces armées excessivement sollicitées, les atteintes aux libertés civiques et à l’état de droit ainsi qu’à l’autorité des Nations unies, aux relations internationales et à la cohésion d’une Europe qu’est venue affaiblir la défection au profit des Américains du servile Tony Blair. Il faudra des dizaines d’années peut-être avant que cette facture puisse être réglée dans sa totalité.

Sur les cinq continents, cette guerre a mobilisé une armée de « djihadistes » avides de frapper l’Amérique et ses alliés à tout moment et en tous lieux. De l’Indonésie à l’Espagne et de la Turquie à l’Arabie saoudite, de nombreux pays vont continuer à payer le prix fort pour les fautes commises par les États-Unis. La sécurité de tous a rarement été aussi fragile. L’alliance entre l’administration Bush et la droite israélienne a été à l’origine de la plus grande catastrophe qu’ait engendrée la politique étrangère
américaine depuis des lustres. Ce monde est devenu celui de tous les dangers.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires