Kibaki revient sur ses promesses

Publié le 12 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

Triste anniversaire. Le 7 juillet, une marche en faveur des réformes politiques a tourné au drame à Kisumu, dans l’ouest du Kenya. La police a tiré à balles réelles sur ceux qu’elle considère comme des « casseurs » et des « pillards ». Bilan : un mort, dix-neuf blessés dont dix par balles, quatre-vingt-seize arrestations. Ce même jour, le pays célébrait le début des émeutes de 1991 qui débouchèrent sur l’avènement du multipartisme. À Nairobi, la manifestation prévue a tourné au fiasco…
Quatre jours plus tôt, dans la capitale, la police kényane réprimait manu militari la manifestation interdite du mouvement Katiba Watch (« surveillance de la Constitution ») à grand renfort de matraques et de gaz lacrymogènes. Une vingtaine de personnes, dont deux députés, ont été blessées. C’était la première fois, depuis les années 1990, qu’une manifestation dégénérait à ce point. Ironie du sort, le canon à eau utilisé pour disperser les contestataires – des étudiants pour la plupart – avait été acheté durant les derniers mois du régime de Daniel arap Moi. L’opposition de l’époque, aujourd’hui au pouvoir, avait violemment protesté contre ce type de dépenses…

Ceux qui chantaient « Yote yawezekana bila Moi » (« Tout est possible sans Moi ») entonnent désormais « Yote yawezekana bila Mwai » (« Tout est possible sans Mwai [Kibaki] »).
Les atermoiements et les dissensions de la Coalition Arc-en-Ciel (Narc) au pouvoir depuis décembre 2002 en sont sans doute responsables. Après avoir annoncé que la nouvelle Constitution ne serait pas prête comme prévu pour le 30 juin, le président Mwai Kibaki a procédé, début juillet, à un remaniement ministériel qui ressemble fort à un renversement d’alliances. Trois membres de la Kenya National African Union (Kanu, opposition), ainsi que Simeon Nyachae (Ford-People) ont été invités à participer au gouvernement.
La manoeuvre vise à isoler le Liberal Democratic Party (LDP) du ministre des Routes et des Travaux publics, Raila Odinga. Non content de réduire les prérogatives de celui qui devait, selon l’accord électoral de 2002, obtenir à terme un poste de Premier ministre doté de larges pouvoirs, Kibaki en a profité pour neutraliser un autre membre du LDP, Kalonzo Musyoka. Il lui a retiré le portefeuille des Affaires étrangères pour lui confier celui… de l’Environnement.
Furieux, Musyoka a déclaré que Kibaki décevait « tout le continent en choisissant un système du type du Mouvement [parti unique en vigueur en Ouganda, NDLR] et en renonçant à une coalition difficile à mettre sur pied ». Opposés à la nouvelle « union nationale », qu’ils jugent factice, les deux ministres mis sur la touche se sont désolidarisés de l’équipe au pouvoir en soutenant publiquement la manifestation de Katiba Watch…

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Ces chicaneries politiques viennent s’ajouter aux soupçons de corruption qui pèsent sur les plus hautes autorités de l’État. Le scandale lié à l’Anglo Leasing and Finance Company pourrait coûter son poste au ministre des Finances, David Mwiraria. Il a déjà suscité une demande officielle d’explications de la part des bailleurs de fonds, dont les États-Unis, le Japon et l’Union européenne.
À quelques mois du deuxième anniversaire de son accession au pouvoir et après un départ plutôt encourageant, la Coalition est donc au bord de l’implosion, et Mwai Kibaki en fâcheuse posture. En visite à Nairobi les 7 et 8 juillet, le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan lui a rappelé ses engagements : « La communauté internationale souhaite que la bonne gouvernance soit respectée et la réforme constitutionnelle transparente. » Le président du changement va-t-il, comme tant d’autres sur le continent, décevoir ceux qui plaçaient en lui leurs espoirs de renouveau ?

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