À Ceuta et Melilla, nouveau bras de fer entre le Maroc et l’Espagne
Depuis la fermeture des frontières et l’arrêt du commerce informel entre le Maroc et les enclaves espagnoles, la situation socio-économique est préoccupante de part et d’autre. Explications.
Espagne-Afrique : à l’heure des retrouvailles
L’Espagne redécouvre l’Afrique. Bien sûr, elle en connaît depuis longtemps les côtes qu’elle voit sans difficulté par temps clair. Et, d’Al-Andalus à Ceuta et Melilla, les confettis marocains hérités de la Reconquista, les liens culturels et économiques qu’entretient de longue date la péninsule avec ses proches voisins du Maghreb ont largement contribué à façonner les sociétés des deux côtés de la Méditerranée. Mais pour l’Espagne, l’un des rares pays d’Europe à faire géographiquement partie de l’Afrique, l’Histoire se conjugue toujours au présent sur le continent.
Depuis deux semaines, les habitants de Fnideq, dans le nord du Maroc, organisent des sit-in pour réclamer des alternatives économiques face à la fermeture des frontières avec Ceuta. Sur le terrain, de nombreux observateurs estiment que ce mouvement de protestation risque de faire des émules dans toute la région, particulièrement à Nador et à Al Hoceima.
À Fnideq, près de 10 000 personnes n’ont plus d’emploi ni de revenus du fait de cette fermeture. Les autorités locales ont débloqué, en 2020, une enveloppe de 400 millions de dirhams (37 millions d’euros) pour amorcer le développement économique de Fnideq, M’diq et Tétouan à travers la construction d’une zone industrielle notamment, qui pourrait être portée par deux pôles économiques majeurs : les ports de Tanger Med et Beni Ansar, ainsi que les aéroports d’Al Hoceima et de Nador.
Le 20 mars dernier, le Maroc fermait ses frontières avec les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, officiellement pour lutter contre la propagation de la pandémie. Ces villes sont respectivement passées sous souveraineté espagnole en 1496 et 1580. Mais l’État marocain n’a jamais cessé de revendiquer ces deux présides, considérés comme le symbole de la décolonisation inachevée du Maroc. Au-delà des enjeux géopolitiques, Ceuta et Melilla représentent d’importants enjeux socio-économiques.
« Système D »
Depuis la fin des années 1980, les deux villes se sont spécialisées dans les produits à bas prix importés d’Asie ainsi que dans l’écoulement des produits de première nécessité dans l’ensemble du nord du Maroc, et en premier lieu à Fnideq, M’diq ou encore Nador, à travers des « baronnies » (barons du commerce informel) qui eux-même s’appuient sur des travailleurs informels, des routiers, des passeurs à la petite semaine et des femmes-mulets. Avant la fermeture des frontières, le marché de la contrebande générait 1 à 1,5 milliard d’euros par an dans les deux enclaves, dont 550 à 750 millions d’euros pour Ceuta/Fnideq.
Quant au Maroc, les chiffres officiels du Haut commissariat au Plan ont établi que la contrebande liée à Ceuta et Melilla constituait 40 % de l’économie informelle nationale, et donnait du travail à près de 400 000 personnes. Pendant des années, ce « système D » arrangeait tout le monde et servait de soupape de décompression : l’Espagne faisait du cash, le Maroc laissait faire pour ne pas avoir à gérer le chômage du nord.
Entre 6 milliards et 8 milliards de dirhams par an de marchandises rentrent illégalement au Maroc par Ceuta
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Espagne-Afrique : à l’heure des retrouvailles
L’Espagne redécouvre l’Afrique. Bien sûr, elle en connaît depuis longtemps les côtes qu’elle voit sans difficulté par temps clair. Et, d’Al-Andalus à Ceuta et Melilla, les confettis marocains hérités de la Reconquista, les liens culturels et économiques qu’entretient de longue date la péninsule avec ses proches voisins du Maghreb ont largement contribué à façonner les sociétés des deux côtés de la Méditerranée. Mais pour l’Espagne, l’un des rares pays d’Europe à faire géographiquement partie de l’Afrique, l’Histoire se conjugue toujours au présent sur le continent.
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