De Nazareth à Auschwitz

Émile Shoufani, prêtre arabe-israélien, a emmené l’an dernier de jeunes musulmans et juifs visiter un camp de concentration nazi. Une expérience unique.

Publié le 12 juillet 2004 Lecture : 2 minutes.

Il y a presque un an, à la fin du mois de mai 2003, quatre cent cinquante personnes se rendaient en Pologne visiter les camps de Birkenau et Auschwitz. Ce n’était pas un pèlerinage comme les autres, car il était effectué à l’initiative du père Émile Shoufani, le « curé de Nazareth », et le groupe était composé de juifs et de musulmans d’Israël, de Palestine, de Belgique et de France. L’un des participants, Jean Mouttapa, en a tiré un livre. Intitulé Un Arabe face à Auschwitz, il raconte la genèse de ce voyage baptisé « Mémoire pour la paix », initiative remarquable dans la longue marche pour résoudre le conflit israélo-palestinien.
Émile Shoufani, prêtre catholique de rite oriental melkite, est né en 1947 à Eilaboun, un village palestinien proche de Nazareth. Arabe et citoyen israélien, directeur d’une école chrétienne où les élèves sont musulmans, il envoie chaque année une centaine de jeunes Palestiniens dans les universités d’Israël et organise, depuis quinze ans, des échanges avec une école juive de Jérusalem. Autant dire que le dialogue des cultures est, chez lui, une seconde nature.
C’est en entendant un jour l’un de ses vieux amis dire : « Je me sens juif lorsque j’ai peur », que le père Shoufani comprend à quel point la Shoah est toujours aussi destructrice au plus profond de l’existence juive. Il voit le lien qui unit cette fêlure au désastre judéo-arabe et décide de poser le doigt là où ça fait mal en organisant cette visite à Auschwitz. Sans fioriture, l’auteur décrit la personnalité des principaux leaders de l’opération, intellectuels de toutes confessions et anciens compagnons de route de Shoufani. Il raconte les motivations des uns, les réactions des autres, l’accueil mitigé dans les médias, la défiance voire les attaques en provenance de certains partis politiques. La visite elle-même est présentée sous forme d’un journal, qui débute sur la Judenrampe de Birkenau où arrivaient les déportés et s’achève à Auschwitz 1, « lieu de la chosification de l’homme, la transformation d’un peuple tout entier en fumée et en cendres ».
Les témoignages sont évidemment émouvants, sans tomber dans le sentimentalisme larmoyant. À la fin, le lecteur, qui a participé de bout en bout au montage de l’extraordinaire expérience, pourrait facilement se joindre aux voyageurs juifs et, comme eux, décider d’« aller dans les villages arabes pour apprendre et comprendre quelle est la souffrance de nos concitoyens arabes israéliens ».

Un Arabe face à Auschwitz, la mémoire partagée, de Jean Mouttapa, éditions Albin Michel, 292 pages, 19 euros.

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