[Tribune] Tunisie : Belhassen Trabelsi, un coupable si parfait
La décision de la justice française de ne pas extrader le beau-frère du président Zine el-Abidine Ben Ali est un cinglant désaveu pour les autorités tunisiennes. Une preuve aussi de l’échec de la révolution.
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Samia Maktouf
Samia Maktouf est avocate, inscrite aux barreaux de Paris et de Tunis, et conseil près la Cour pénale internationale.
Publié le 27 février 2021 Lecture : 2 minutes.
En janvier dernier, la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté la demande de la Tunisie d’extrader Belhassen Trabelsi, beau-frère du président Zine el-Abidine Ben Ali, en fuite depuis la révolution de janvier 2011. Un refus qui ne peut que nous interpeller au moment même où le pays célèbre les 10 ans de cette révolution qui ouvrit la voie au Printemps arabe…
Après la fuite des Ben Ali en janvier 2011, Belhassen Trabelsi avait demandé l’asile au Canada, craignant les représailles d’un pouvoir révolutionnaire prêt à satisfaire la vindicte populaire. En 2015, Ottawa avait rejeté sa demande, ce qui l’avait poussé en mai 2016 à fuir vers la France.
La Tunisie demandait à la France de l’extrader, invoquant 43 mandats d’arrêt
En 2019, Belhassen Trabelsi était arrêté à Marseille. Au titre de l’entraide judiciaire, la Tunisie demanda à la France de l’extrader, invoquant 43 mandats d’arrêt et dix-sept avis de recherche, ainsi qu’une condamnation par défaut à plus de 33 ans de prison pour diverses infractions d’ordre économique et financier.
Procès inéquitable
En 2020, la justice française a rejeté la demande tunisienne, et, le mois dernier, allant jusqu’à désavouer le Parquet général, la Cour d’appel confirmait le rejet.
Dans son arrêt, la Cour retient non seulement l’âge de Belhassen Trabelsi et son état de santé, mais aussi « un risque réel de traitement inhumain et dégradant pour Belhassen Trabelsi et de carences des contrôles en cas de mauvais traitement en détention ». Dans la Tunisie consacrée laboratoire du Printemps arabe, la décision française sonne comme un cinglant désaveu pour les autorités. Elle entérine un échec, celui d’une révolution qui n’a toujours pas tenu ses promesses.
Pour Belhassen Trabelsi, cet échec se traduit par la possibilité, voire la probabilité, d’un procès inéquitable : non pas celui d’un suspect jouissant de la présomption d’innocence mais celui d’un homme déclaré ennemi du peuple qui doit être puni pour l’exemple.
Une justice authentique
Ainsi, en 2016, Belhassen Trabelsi avait déposé un dossier devant l’Instance Vérité et Dignité, principal organe de justice transitionnelle créé après la révolution. Il proposait de rembourser une partie substantielle des fonds détournés afin d’obtenir de l’instance une réconciliation, en vain.
Cette justice transitionnelle tunisienne peine à prendre le chemin tracé par l’Afrique du Sud
Ce que la justice française a bien compris, c’est que cette justice transitionnelle tunisienne peine à prendre le chemin tracé par l’Afrique du Sud et suivi, au Maghreb, par le Maroc. Il ne peut y avoir de réconciliation sans justice authentique, ni d’avenir aux dépens de boucs émissaires déclarés coupables avant d’être jugés.
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