Vall sur la piste

Le chef de l’État a achevé au bord du fleuve Sénégal une tournée électorale de plus d’un mois.

Publié le 12 juin 2006 Lecture : 3 minutes.

Rosso, à la frontière du Sénégal, samedi 3 juin. À la tête du Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) depuis août 2005, le colonel Ely Ould Mohamed Vall achève une tournée régionale longue de plus d’un mois. À l’origine, les multiples rencontres prévues avec la population devaient lui permettre d’appeler à voter pour la nouvelle Constitution, qui sera soumise au verdict des urnes le 25 juin. Mais l’occasion offerte à tous de s’entretenir avec le chef de l’État a souvent fait dévier les débats vers d’autres questions que l’élection d’un président pour un mandat de cinq ans (renouvelable une fois), la réforme de la justice ou l’instauration de davantage de transparence dans la gestion des deniers publics.
À Rosso, « Ely », comme l’appellent ses compatriotes, a dû une nouvelle fois expliquer les motifs du coup d’État du 3 août, avant de détailler le programme de la transition démocratique. Il s’est aussi étendu sur des questions aussi diverses que la lutte contre le tribalisme, le népotisme et les exclusions arbitraires, la nationalisation des flottes de pêche de Nouadhibou, l’assainissement du secteur judiciaire Sans oublier les questions brûlantes du racisme, de l’esclavage et de la ségrégation.
Le chef de l’État a rappelé que, dans ce pays, les populations noires commercent depuis des siècles avec des populations arabes. Et que cette double identité est une richesse. Pourtant, ce ciment historique entretenu par une commune référence à l’islam n’est pas exempt de fissures, qu’il s’agisse de la monopolisation supposée du pouvoir par « les Arabes » ou des répressions dont ont été victimes les Négro-Mauritaniens, notamment à la suite de la tentative de coup d’État de 1987 et du tragique conflit avec le Sénégal, en 1989.
« Des crimes ont été commis, reconnaît le colonel Vall », qui était en première ligne lors de la prise du pouvoir par Ould Taya et resta pendant tout le règne de celui-ci directeur de la Sécurité nationale. « Ils ont été le fait d’extrémistes totalement étrangers à nos valeurs. Le passif humanitaire, je ne le nie pas puisqu’il est à l’origine d’un grave malentendu entre nombre de nos compatriotes. »
Il se dit donc favorable à la correction des injustices dans les plus brefs délais et plaide pour le retour des déportés et le rétablissement de leurs droits. Et le chef de l’État de tancer ceux qui critiquent le pays depuis l’étranger : « Ce qui s’est fait en Mauritanie, dit-il, est l’affaire des Mauritaniens. À nous de trouver nos propres solutions à nos problèmes. La porte est ouverte à tous les Mauritaniens, où qu’ils soient. Ils peuvent venir sans crainte défendre leurs idées et adhérer à des partis légalement constitués, voire créer leur propre formation. Nous n’avons rien à cacher. Pour établir la vérité, nous irons à notre propre rythme : lentement, mais sûrement. À dos de chameau ou, s’il le faut, à cheval. Cela nous épargnera bien des règlements de comptes. »
Contrairement à ce qu’on a voulu faire croire ici ou là, les fermes mises en garde du chef de l’État contre toute « dérive haineuse » ne s’adressent pas aux seuls « Négro-Mauritaniens belliqueux ». Elles concernent tous ceux qui se laisseraient aller à des manifestations de racisme et d’ostracisme, qu’il soit ethnique, tribal ou régionaliste. Il oppose par exemple un refus catégorique à la création d’un parti islamiste. « Il n’existe pas d’islam extrémiste ou modéré, explique-t-il. Il n’y a qu’un seul islam. Le lait, quand il est trop rance, provoque des ulcères. Nous devons construire notre avenir et non devenir des ulcérés. »
L’esclavage a plusieurs fois été aboli en Mauritanie. Mais Vall reconnaît qu’il reste un travail de mémoire à accomplir, des comportements à proscrire jusque dans la sphère privée. « Il est lâche d’utiliser la misère et l’ignorance de notre peuple pour en faire un fonds de commerce. Nous ne sommes ni racistes ni esclavagistes. Nous devons dépasser les schémas stéréotypés qui nous divisent et ne servent que les intérêts de nos ennemis. »

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