Big bagues : quand le bling-bling dévore les doigts des rappeurs

Cailloux XXL et créations serties de diamants en forme d’étoile, de couronne ou de dollar… Les bagouses du hip-hop pèsent aussi lourd que l’ego des artistes.

Drake, le 25 novembre 2019, à Toronto. © Richard Lautens/Toronto Star via Getty Images

Drake, le 25 novembre 2019, à Toronto. © Richard Lautens/Toronto Star via Getty Images

eva sauphie

Publié le 20 février 2021 Lecture : 3 minutes.

Aux origines, le « bling ». Le terme, qui fait référence au bruit que font les chaînes qui s’entrechoquent au cou des rappeurs, est apparu pour la première fois aux États-Unis à la fin des années 1980. Sur la pochette de son tube « Just A Friend » (1987), l’Africain-Américain Biz Markie pose en faisant mine de s’essuyer une larme… Mais l’on remarque surtout les trois énormes lettres de son prénom, incrustées de diamants, qui mangent la moitié de son autre main. Cette bague, labellisée « Biz », est signée Jacob Arabo, un joaillier américain né en Ouzbékistan qui s’est fait un nom dans le quartier des diamants à Manhattan en popularisant les bijoux destinés à une clientèle masculine issue du show biz.

50 Cent, le 30 janvier 2020, à Los Angeles. © RB/Bauer-Griffin/GettyImages

50 Cent, le 30 janvier 2020, à Los Angeles. © RB/Bauer-Griffin/GettyImages

Depuis, les plus grands noms du hip-hop, de Rick Ross à Nas, en passant par 50 Cent et Gucci Mane, s’arrachent ses créations surdimensionnées à cinq chiffres. Et citent leur chouchou de designer dans leurs morceaux. En plein âge d’or du hip-hop, celui que l’on surnomme « the king of bling » imagine cette bague quatre doigts, symbole de l’ascension sociale et du nouveau pouvoir des rappeurs.

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Goût de l’opulence et du rococo

Plus le bijou est volumineux et clinquant, mieux se porte l’ego des propriétaires. Le design de cette pièce iconique n’est pas sans rappeler le coup-de-poing américain. En 2012 d’ailleurs, le rappeur d’Atlanta 2Chainz payait les frais de cette ressemblance lors d’un contrôle à l’aéroport La Guardia de New York. Sa « four finger ring » en or, estampillée « Dope » (« mortel »), est confondue par la police avec l’arme de poing. Un malentendu qui a valu une garde à vue et la confiscation de son précieux accessoire à celui qui ne sort jamais sans ses deux chaînes au cou – clin d’œil à son nom de scène –  ni ne voyage sans ses sept montres de luxe pour les sept jours de la semaine (logique).

Rick Ross, le 26 août 2019, à Newark, New Jersey. © Jamie McCarthy/Getty Images

Rick Ross, le 26 août 2019, à Newark, New Jersey. © Jamie McCarthy/Getty Images

J’ai transformé les chaînes de mes ancêtres esclaves pour symboliser le fait je suis toujours un esclave, seul mon prix est plus élevé

Ce goût de l’opulence et du rococo chez les rappeurs est souvent lié à l’imagerie de la Blaxploitation. Mais aussi à l’influence de Mister T sur la génération 1980. L’ex-star du petit écran, connue pour son rôle de Barracuda dans la série culte « L’agence tous risques », aimait accumuler médaillons, manchettes et bagouses tape-à-l’œil. Une profusion de lourds bijoux portés en mémoire de la traite négrière. « Lorsque mes ancêtres sont venus d’Afrique, ils étaient enchaînés par le cou, les poignets et chevilles dans des chaînes d’acier. J’ai transformé ces chaînes d’acier en or pour symboliser le fait je suis toujours un esclave, seul mon prix est plus élevé », revendiquait l’acteur dans une interview accordée au journal Harvard Crimson en 1993.

2Chainz, le 12 septembre 2019, à New York. © Taylor Hill/WireImage/GettyImages

2Chainz, le 12 septembre 2019, à New York. © Taylor Hill/WireImage/GettyImages

Émancipation

Cette émancipation par le capitalisme noir puiserait aussi ses origines chez les souverains africains, selon certains auteurs comme Gabriel Tolliver (The Hip-hop Jewellery Book, Bloomsbury Publishing PLC). La couronne revient d’ailleurs souvent dans la panoplie bling des rappeurs. Notorious Big la portait en plastique et sur la tête en référence à son surnom « The King of New York ». Quand Tupac Shakur l’arborait au doigt avec nettement moins d’ironie, mais quelque 10 carats de diamants et de rubis cabochon en plus, une coquetterie estimée entre 10 000 et 20 000 dollars (environ 8 000 à 16 600 euros). Une manière de se sacrer roi du rap game pour son 25e anniversaire, quelques mois avant sa mort.

L’auto-sacre, une extravagance plébiscitée par le rappeur canadien Drake. L’ambassadeur mondial du club des Toronto Raptors s’est commandé une double bague de champion NBA incrustée de 650 diamants et 16 rubis représentant le nombre de victoires de l’équipe lors de la finale 2019. Un bijou originellement remis aux joueurs pour récompenser leur performance. Pour la modique somme de 150 000 dollars (environ 120 000 euros), Drake a ainsi balayé une tradition vieille de plus de 70 ans. Mais pourquoi se priver d’un titre qu’on ne mérite pas si on peut se l’offrir ?

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Afficher sa valeur et son statut au moyen de symboles limpides, c’est aussi le parti pris du rappeur d’Atlanta Offset. « Je suis une star, alors je porte une bague étoile », raisonnait-il dans le programme vidéo « On the rocks » du média GQ consacré aux gros cailloux des rappeurs. Également parmi sa panoplie, une bague en forme de dollar ou encore la « pinky ring », qui fait dix fois le poids du petit doigt. Chez les rappeurs, le luxe n’est jamais loin de la luxation !

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