Le sens d’une destitution

Mohamed Ali Ganzaoui quitte le secrétariat d’État chargé de la Sûreté nationale.

Publié le 12 juin 2006 Lecture : 2 minutes.

Les nominations d’Abdessatar Bennour au poste de directeur général de la Sûreté nationale, en remplacement de Mohamed Ali Ganzoui, et d’Abderrahmen Limam, à celui de directeur général, commandant de la Garde nationale, ont été annoncées le 5 juin par le Premier ministre Mohamed Ghannouchi, à l’issue d’une entrevue avec le président Zine el-Abidine Ben Ali.
L’information n’a suscité aucun commentaire dans les médias. L’agence officielle TAP s’est bornée à l’annoncer dans un communiqué laconique. Il ne s’agit pourtant pas d’un simple remaniement technique, même si les responsables promus sont des technocrates travaillant depuis longtemps au ministère de l’Intérieur. Juriste de formation, le premier a dirigé les services pénitentiaires et la Garde nationale. Le second a été gouverneur (préfet) de Jendouba, Médenine et Sousse.
C’est la personnalité de l’unique partant – « appelé à d’autres fonctions », selon la formule officielle – qui donne au remaniement son caractère politique. Loin d’être un simple technicien de la sécurité, Ganzoui passait en effet pour l’un des hommes de confiance de Ben Ali. Directeur général de la Sûreté en 1989, puis directeur général des services spéciaux l’année suivante, il a activement participé au démantèlement des réseaux du parti islamiste Ennahdha (non reconnu). Limogé au lendemain de l’attentat perpétré contre la synagogue de Djerba, en avril 2002, il a également occupé les fonctions de consul général à Düsseldorf, puis à Djeddah, et d’ambassadeur à Damas. Entre 2003 et 2005, il a dirigé une entreprise publique, la Société immobilière et de participations (Simpar), avant de reprendre ses fonctions à la tête du secrétariat d’État chargé de la Sûreté nationale, le 21 novembre dernier, au lendemain du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI). La manifestation ayant donné lieu à plusieurs incidents entre des membres de la société civile et les forces de l’ordre, son retour avait été interprété comme un signe de durcissement du régime.
Ganzaoui n’a rien fait pour démontrer le contraire. Les frictions entre les représentants de la société civile et la police se sont multipliées. Elles ont culminé tout récemment avec la répression du mouvement de protestation des avocats (affrontement avec la police dans l’enceinte même du palais de justice de Tunis), l’empêchement d’un congrès contesté de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), le 27 mai, et l’expulsion, quelques jours auparavant, de l’activiste suisse Yves Steiner, venu assister à une réunion de la section locale d’Amnesty International. Ce dernier incident a provoqué des échanges peu diplomatiques entre Tunis et Berne. D’autres capitales occidentales ont réagi négativement, notamment Bruxelles et Paris, où le ministère des Affaires étrangères a exprimé ses « regrets ».
Bref, les six mois que Ganzoui a passés à la tête de la Sûreté nationale n’ont pas été un long fleuve tranquille. Est-ce à dire que son départ peut contribuer à détendre l’atmosphère ? Pas sûr. « Chez nous, explique un activiste local, les changements d’hommes se traduisent rarement par des changements politiques. »

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