Guy Patrick Obiang Ndong : « La seule chose qui compte, c’est la santé des Gabonais »

Sous la pression d’une deuxième vague de Covid-19, le Gabon a lancé un plan national de vaccination. Le ministre de la Santé explique à « Jeune Afrique » la stratégie du gouvernement pour protéger au plus vite la population.

Le ministre gabonais de la Santé, Guy Patrick Obiang Ndong. © Communication présidentielle

Le ministre gabonais de la Santé, Guy Patrick Obiang Ndong. © Communication présidentielle

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Publié le 23 février 2021 Lecture : 5 minutes.

En première ligne dans la lutte contre le coronavirus, le ministre de la Santé, Guy Patrick Obiang Ndong, 46 ans, a accepté de répondre aux questions de Jeune Afrique sur l’inquiétude que suscite la deuxième vague de Covid-19 au Gabon, mais aussi sur les mesures adoptée par le gouvernement pour l’affronter. Des mesures drastiques, que la population peine parfois à accepter.

Nommé en juillet dernier, ce diplômé des facultés de médecine de l’université Omar-Bongo de Libreville et de Nancy a occupé dans le passé les postes de directeur général adjoint de la lutte contre le sida et de secrétaire général du ministère de la Santé. Entretien.

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Jeune Afrique : Le Gabon fait face à une deuxième vague d’épidémie de Covid-19, qui semble plus inquiétante que la première. Quelles mesures spécifiques ont été prises par le gouvernement pour tenter de l’endiguer ?
Guy Patrick Obiang Ndong : Notre objectif prioritaire à ce jour est d’inverser la courbe évolutive de cette pandémie par la mise en place de mesures visant à limiter les nouvelles contaminations, à tester le plus grand nombre de personnes et, enfin, à augmenter la capacité de prise en charge hospitalière pour éviter la saturation de nos hôpitaux.

Ramener le couvre-feu à 18 heures permet aux populations de se consacrer uniquement aux activités essentielles. Au-delà de cet horaire, les activités de divertissement, qui génèrent un taux d’exposition important au virus, prennent une place importante.

Par ailleurs, pour augmenter encore le nombre de tests, domaine dans lequel le Gabon s’est montré très efficace [il est l’un des pays qui testent le plus par rapport à la taille de sa population], ceux-ci seront gratuits [contre 5 000 F CFA, soit 7,6 euros, aujourd’hui].

Enfin, la capacité des transports en commun a été augmentée afin, notamment, de fluidifier le trafic à l’approche du couvre-feu.

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Comment expliquez-vous l’apparition récente dans le pays de cas du variant britannique ?
Notre pays dispose d’un laboratoire P4, l’un des rares de ce type en Afrique : le Centre interdisciplinaire de recherches médicales de Franceville, agréé par l’OMS et l’Africa CDC pour la surveillance et le diagnostic des maladies virales virulentes.

Devant la forte propagation de nouveaux variants du Covid-19 dans le monde, nous avons mis en place une veille génomique au Gabon. Cela consiste à procéder au séquençage des prélèvements des voyageurs diagnostiqués positifs à leur arrivée sur notre territoire. Sur un échantillon de 60 prélèvements, un cas de variant britannique a été découvert. Il s’agit d’un compatriote de 39 ans, qui avait séjourné dans un pays d’Afrique de l’Ouest pour les fêtes du Nouvel An.

Nous arrivons à anticiper. Ce qui est primordial dans la lutte contre la propagation du virus

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C’est ainsi que, grâce à nos capacités de recherche et à notre politique de surveillance active de la situation épidémiologique, nous arrivons à anticiper. Ce qui est primordial dans la lutte contre la propagation du virus.

La population semble difficilement accepter le renforcement des mesures prises pour ralentir l’épidémie de Covid-19. Comment comptez-vous y remédier ?
La seconde vague est redoutable et évolue très vite. Nous observons qu’il y a plus de formes graves que lors de la première. En moins de deux mois, nous avons enregistré plus de 4 000 nouveaux cas positifs. Nos unités de réanimation commencent à être saturées et le nombre de décès augmente.

Cette réalité est insuffisamment perçue par une partie de la population. C’est pourquoi le président de la République, Ali Bongo Ondimba, a demandé au gouvernement d’intensifier la communication sur la situation sanitaire actuelle. La population doit prendre conscience que cette pandémie est quelque chose de grave, qui tue, qui laisse des séquelles – plus qu’on ne le pense, hélas.

Sur la base de quels chiffres ou critères ces mesures de restriction sont-elles susceptibles d’être, partiellement ou totalement, levées ?
Actuellement, nous avons en moyenne entre 150 et 200 nouvelles contaminations par jour. Le taux de positivité est passé de 0,5 % en novembre à plus de 4 % mi-février. Mi-décembre dernier, le nombre de cas actifs était retombé à 75 ; aujourd’hui, il est largement supérieur à 1 000.

Cette augmentation exponentielle du nombre de nouveaux cas met sous forte tension notre système hospitalier. Si les mesures barrières ne sont pas respectées, le mois de mars pourrait être plus difficile encore. C’est pourquoi nous intensifions la riposte en renforçant les mesures sanitaires pour ramener les nouvelles contaminations à une moyenne de 50 par jour.

Car, et c’est la bonne nouvelle, si nous parvenons à atteindre cet objectif, comme l’a indiqué récemment la Première ministre, Rose Christiane Ossouka Raponda, les mesures barrières pourront être progressivement levées et nous pourrons ainsi retrouver le cours d’une vie presque normale en attendant l’arrivée du vaccin.

Où en est la campagne de vaccination promise par le chef de l’État dans son discours de vœux du 31 décembre dernier ?
Dès la fin de 2020, le président de la République a demandé au gouvernement d’élaborer un plan national de vaccination contre le Covid-19 dans le but de protéger la population dans les meilleurs délais. Aussitôt, une équipe d’experts a été mise en place pour élaborer ledit plan, aujourd’hui finalisé.

Dans le même temps, le Gabon a adhéré aux initiatives mondiales et africaines visant à un accès équitable aux vaccins, notamment le mécanisme Covax et l’initiative de l’Union africaine.

Notre objectif est de vacciner le plus rapidement possible plus de 50 % de la population

Nous avons aussi entamé des négociations bilatérales avec certains pays qui ont pu mettre sur le marché pharmaceutique des vaccins dont l’efficacité est prouvée. Notre objectif est de vacciner le plus rapidement possible plus de 50 % de la population, avec en priorité les personnels de santé, les forces de défense et de sécurité, les personnes présentant des comorbidités, ainsi que les personnes âgées.

À quels vaccins le Gabon fera-t-il appel  ? Seulement à ceux produits par des firmes occidentales ? Ou bien également à ceux produits notamment par la Chine ou la Russie ?
Le Gabon est intéressé par les vaccins dont l’efficacité est prouvée scientifiquement et qui offrent des conditions de conservation non contraignantes. Certains vaccins tels que AstraZeneca et Moderna répondent à nos exigences. Il en est de même pour les vaccins russes et chinois qui font preuve de grande efficacité avec des facilités de conservation. L’urgence est d’acquérir des vaccins efficaces pour protéger la population contre le Covid-19. Nous laissons de côté la géopolitique ou les idéologies. Ce qui compte, c’est la santé des Gabonais.

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