Le pari de l’atome

Pour l’ex-ministre burkinabè Zéphirin Diabré, qui a rejoint Areva, le géant français de l’énergie, le continent doit prendre l’utilisation de l’uranium au sérieux.

Publié le 12 juin 2006 Lecture : 3 minutes.

Ancien numéro deux du groupe Castel, ex-ministre des Finances du Burkina après un séjour à l’Industrie, au Commerce et aux Mines, président du Conseil économique et social quelques mois plus tard, puis chercheur à Harvard : Zéphirin Diabré aime le changement, on le savait déjà. Mais en décembre 2005, ce dernier opère un virage inattendu. Après avoir été, sept années durant, le bras droit du directeur général du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), l’ancien étudiant de l’école de commerce de Bordeaux rejoint Areva, numéro un mondial de l’énergie nucléaire honni des mouvements écologistes. L’intitulé de son poste est à rallonges : président pour l’Afrique et le Moyen-Orient et conseiller de la présidente du directoire, Anne Lauvergeon, sur les questions internationales.
Passer du public au privé, des plans de lutte contre la pauvreté aux business plans, exige a priori une certaine souplesse, voire quelques contorsions. Zéphirin Diabré, lui, ne voit pas de contradiction : « C’est une sorte de retour aux sources, j’ai été élève d’une école de commerce et j’ai commencé ma carrière dans le privé. C’est le passage par le secteur public qui était un détour », soutient-il, avant de reconnaître que le Pnud et Areva n’ont pas vraiment la même vocation : « lutter contre la pauvreté » pour le premier, « faire du profit » pour le second.
« Mais d’une certaine manière, Areva contribue au développement. Son métier, c’est de permettre l’accès à l’énergie », rebondit-il. À l’heure où le prix du baril de pétrole atteint 73 dollars, la plupart des pays africains, à l’exception des quelques producteurs d’or noir, voient leurs factures énergétiques augmenter dangereusement. Et les fonds destinés à l’éducation, la santé ou les infrastructures chuter d’autant. « On se demande si l’option nucléaire a un sens sur le continent, explique la nouvelle recrue d’Areva. Compte tenu de l’acuité des problèmes d’accès à l’énergie, il faut prendre l’utilisation de l’uranium au sérieux. »
Bien qu’il soit moins polluant que le pétrole parce qu’il ne contient pas de gaz carbonique, le métal gris est effectivement un sujet « sérieux ». La radioactivité – caractéristique de l’uranium – présente un grave danger pour les populations. Au Niger, plusieurs habitants de la région d’Arlit estiment que les problèmes de santé dont ils sont victimes sont d’origine radioactive. La Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) a conclu une enquête le 2 juin. « Reste à établir le lien de cause à effet », estime sereinement le « monsieur Afrique » d’Areva, qui exploite une mine à ciel ouvert à Arlit.
Reste que les États africains dotés de gisements d’uranium – la Namibie, le Niger, l’Afrique du Sud, la Tanzanie, l’Algérie – ont tout intérêt à miser sur cette matière première. Substituable au pétrole pour la production d’électricité, le nucléaire leur permettrait d’éviter le coûteux détour par le circuit des importations d’or noir, dont les réserves s’épuiseront peut-être un jour – les avis des experts divergent sur la question. Mais il ne faut pas s’emballer pour autant : « Il ne s’agit pas de passer du pétrole au nucléaire, prévient Zéphirin Diabré. C’est une solution parmi d’autres. » Et, surtout, entre l’uranium et l’énergie nucléaire, un maillon essentiel manque au continent : les centrales. « Les États africains ont longtemps cru que le nucléaire était une technologie sophistiquée réservée aux Occidentaux. Dans l’esprit de certains chefs d’État, l’idée est moins taboue aujourd’hui », avance l’ancien fonctionnaire du Pnud, qui tient à préciser qu’il est possible de construire des réacteurs plus petits, et donc moins coûteux, afin de s’adapter aux besoins industriels des pays du continent.
Pour lui, tout est possible, surtout le meilleur. « L’Afrique avance. Au sud du Sahara, une classe d’homme d’affaires noirs commence à émerger. On voit des diplômés retourner au pays », assure-t-il. Zéphirin Diabré fait partie de ces Africains qui nourrissent une confiance proche de la foi dans l’avenir du continent. D’ailleurs, il approuve pleinement Thabo Mbeki quand ce dernier dit son « espérance » de voir se poursuivre le décollage africain.

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