Congo : Obambi l’ambitieux

Fondateur d’un empire multisectoriel présent dans sept pays africains, proche du président Sassou Nguesso, figure du patronat national… Paul Obambi, PDG de Sapro, assume sa réussite.

Paul Obambi préside depuis 1996 la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers de Brazzaville. © Baudouin Mouanda/JA

Paul Obambi préside depuis 1996 la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers de Brazzaville. © Baudouin Mouanda/JA

OLIVIER-CASLIN_2024

Publié le 1 avril 2014 Lecture : 5 minutes.

Paul Obambi a de l’argent. Paul Obambi a de l’entregent. Paul Obambi est intelligent, comme le confirme son sens de l’humour aiguisé, et charmant, avec sa franchise parfois désarmante. Paul Obambi est congolais et, depuis vingt ans, il ne néglige aucun détail pour consolider ses affaires, dans un pays où il y en a beaucoup à faire.

Derrière son vaste bureau surchargé de dossiers, le patron tout-puissant du groupe Sapro porte beau, dans son costume bleu nuit finement rayé et impeccablement coupé, pochette d’un blanc aussi immaculé que sa chemise. Pas un vulgaire « sapeur » de Brazzaville. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, Paul Obambi, 59 ans, a du style et de la prestance. Le regard reste bienveillant, le ton est courtois, la voix caressante, presque hypnotique. Seules deux photos encadrées pour habiller les murs nus un peu jaunâtres : Paul Obambi dans une pose élyséenne, et le même avec le couple présidentiel, sur un cliché certainement pris au Palais du peuple. Sourire aux lèvres et mine réjouie de celui qui se sait en bonne compagnie.

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VRP de luxe

« Paul Obambi a beaucoup d’amis », confirme un journaliste de Brazzaville. Et « Monsieur Sassou », comme l’appelle celui censé parler à son oreille, compte bien sûr au premier rang d’entre eux. Depuis si longtemps que l’entrepreneur a oublié les circonstances de leur rencontre. « Un choix de Dieu », pour ce grand pragmatique qui a su faire fructifier les voies impénétrables du « Seigneur ». Préférant d’ailleurs s’adresser à ce dernier plutôt qu’à ses apôtres, et pour bien souligner sa proximité avec le pouvoir, Obambi n’hésite pas à décrocher son téléphone devant ses hôtes « pour parler au président ». « Il lui doit tout », insistent les jaloux, qui soupçonnent même le PDG de Sapro d’avancer masqué derrière son VRP de luxe pour mieux pénétrer à sa suite les marchés d’autres pays du continent. Comme si celui qui a été classé parmi les cinquante meilleurs manageurs de l’année 2007 par Jeune Afrique avait besoin de cela pour réussir.

« Il semble toujours avoir un coup d’avance », explique l’un de ses proches

« Il semble toujours avoir un coup d’avance », explique l’un de ses proches. Son parcours démontre en effet qu’il anticipe assez bien les virages. Comme lorsqu’il décide, dans les années 1980, de tourner le dos à une carrière politique, qui s’annonçait pourtant prometteuse. Militant au sein du Parti congolais du travail (PCT, parti unique à l’époque) dès l’âge de 14 ans, « pour lutter contre toutes les formes d’injustice », il abandonne ses fonctions de dirigeant de l’Union de la jeunesse socialiste congolaise pour poursuivre ses études en France.

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À son retour de Toulouse quatre ans plus tard, diplôme d’économie en poche, un vent de démocratisation commence à faire vaciller les bases du parti unique. Paul Obambi n’en a cure. Après un rapide passage à l’Office national des postes et télécommunications (ONPT), il profite d’une nouvelle rencontre d’ordre divin pour rejoindre le groupe de son « oncle » Pierre Otto Mbongo, dont il devient rapidement le directeur général. Là encore, l’histoire ne dure pas. Pendant que le poids lourd du secteur privé congolais croule sous les dettes avant d’être rattrapé par la justice, le « neveu préféré » s’émancipe pour voler de ses propres ailes.Cliquez sur l'image.

Braderie et bon coup

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L’enfant de Poto-Poto n’a pas fait que jouer pieds nus à la pelote dans les rues, comme le veut l’imagerie populaire. Issu d’une famille commerçante, l’aîné des huit enfants Obambi a également bénéficié de la forte présence ouest-africaine dans le quartier pour développer un sens des affaires peu commun et dont il ne s’est jamais départi depuis. D’aussi loin qu’il s’en souvienne, Paul Obambi a « toujours eu l’ambition de créer un grand groupe diversifié et international ». Il commence à réaliser ses rêves en 1990, lorsqu’il achète l’entreprise de déménagement Demeco, qu’il revend dans la foulée pour lancer Translo, une société spécialisée dans le transit du matériel pétrolier.

Sa réputation a bien été un peu égratignée à une ou deux reprises, mais « [il n’a] jamais été convoqué par la justice », précise-t-il avec malice.

Sur cette première pierre, il bâtit son empire. En 1994, lors de la grande braderie qui touche les entreprises d’État à la fin du régime marxiste, Paul Obambi sent le bon coup en mettant la main sur la savonnerie Sapro, qui a depuis donné son nom au groupe multisectoriel aujourd’hui présent dans l’agroalimentaire et le BTP, la communication et les télécoms, les mines et les hydrocarbures. En attendant la banque, « d’ici à deux ans », affirme celui qui est aussi depuis 1996 « président à vie de la CCI », comme plaisantent les Congolais. Bien qu’il n’ait pas vraiment été élu à la tête de la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers (CCIAM) de Brazzaville, Obambi prend très à coeur son rôle de défenseur des intérêts du secteur privé – « à commencer par les siens » ajoutent les mauvaises langues.

Jet privé

En tant que président et actionnaire à 80 % d’un groupe de 1 250 employés, présent dans sept pays africains plus la Chine et valorisé à hauteur de 1 milliard de dollars, Paul Obambi pèse lourd. Lui se contente d’assumer sa réussite et la richesse qui en découle, dans le pied-à-terre qu’il possède non loin de la place Victor-Hugo, au coeur du 16e arrondissement parisien, ou à bord de son jet privé, « l’équivalent d’un Falcon », qui lui permet de jouer les courants d’air d’un continent à l’autre.

Sa réputation a bien été un peu égratignée à une ou deux reprises, notamment lors de la construction en 1997 par l’une de ses sociétés de l’immeuble des Assurances et réassurances du Congo (ARC) à Brazzaville, mais « [il n’a] jamais été convoqué par la justice », précise-t-il avec malice. Ya Paulo (« grand frère Paul », en lingala) se voit plutôt comme un modèle à suivre pour les entrepreneurs de son pays. « Il faut multiplier les Paul Obambi au Congo et à travers l’Afrique », ose-t-il en montant dans le 4×4 rutilant qui l’emmène de son QG de Mpila vers son prochain déjeuner d’affaires. Au menu, la cotation de son groupe à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM, à Abidjan), prochaine étape dans la consolidation de Sapro sur le continent.

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