Kamel Benkoussa : de la City à l’Algérie profonde
L’an dernier, Kamal Benkoussa a quitté Londres et sa vie de trader pour faire de la politique à Alger. Il s’apprête à créer un parti, ainsi qu’un think tank de prospective économique.
Le 5 mars, pour annoncer qu’il renonçait à se porter candidat à la présidentielle, Kamal Benkoussa a choisi un site éminemment symbolique pour les Algériens : le cimetière d’El-Alia, haut lieu de la mémoire collective, où sont enterrés l’émir Abdelkader, fondateur de l’État, les présidents Houari Boumédiène, Ahmed Ben Bella, Chadli Bendjedid et Mohamed Boudiaf, ainsi que toutes les grandes figures du mouvement national. « Je voulais prendre à témoin nos martyrs de la mascarade qui se prépare », explique Kamal Benkoussa.
La politique n’a jamais été loin des conversations familiales de cet Algérien de 41 ans, né à Charleville-Mézières (nord-est de la France) au sein d’une famille ouvrière originaire du village d’Ifri, berceau de la lutte armée contre le colonialisme, où s’est déroulé le congrès de la Soummam. Son parcours scolaire est brillant : licence en finances et master en économie à l’université Paris-IX-Dauphine (d’où il sort major de sa promotion en 1996), puis master en ingénierie financière à HEC Montréal.
En 2006, devenu expert financier, il se transforme en lanceur d’alertes. « Je voyais venir la crise des subprimes et je m’inquiétais de son impact sur l’économie de mon pays. »
En 2000, il commence sa carrière à Londres comme stagiaire chez Goldenberg Hehmeyer LLP, un fonds d’investissement américain dont il devient senior trader, puis partenaire en 2006… Jusqu’à ce qu’il décide de quitter la City, en 2013, pour s’installer à Alger et entrer en politique.
Lanceur d’alertes
Sa vie à l’étranger ne lui a jamais fait oublier son Algérie, où il revenait « au moins une fois par mois » ces dernières années. En 1993, animateur d’une association d’étudiants berbères à Reims, il organise les premiers envois de médicaments vers les hôpitaux algériens dépassés par le nombre de victimes des attentats du terrorisme islamiste. En 2006, devenu expert financier, il se transforme en lanceur d’alertes. « Je voyais venir la crise des subprimes et je m’inquiétais de son impact sur l’économie de mon pays. »
Multipliant les interventions dans les médias nationaux et étrangers pour analyser les incidences de la crise financière qui allait fondre sur l’Algérie, il acquiert une notoriété, devient un conférencier régulier dans les universités algériennes. Et comme il n’est pas homme à parler de sujets qu’il ne maîtrise pas, se met à la lecture attentive des rapports du FMI, de la Banque mondiale, de l’Office national des statistiques… « Je connais la sociologie de mon pays, résume Benkoussa. J’ai appris à lire ses chiffres, à analyser les failles de son modèle de développement et à réfléchir aux solutions pour sortir de l’impasse. » Son livre de référence ? La Martingale algérienne, d’Abderrahmane Hadj-Nacer, « sans doute le meilleur ouvrage sur le système algérien », dit-il, rappelant que son auteur est devenu pour lui un ami et une sorte de père spirituel.
Couacs
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Son retrait prématuré de la course à El-Mouradia, Kamal Benkoussa ne le vit pas comme un échec : « Cela a été une expérience enrichissante, et la quête de parrainages m’a permis de sillonner le pays profond, de me confronter aux réalités du terrain et de jeter les bases pour structurer le parti politique que j’envisage de créer. »
Certes, il y a eu quelques couacs, comme la remise en question de son « algérianité » parce qu’il a longtemps vécu à l’étranger, ou parce qu’il a un fort accent lorsqu’il parle arabe. « C’était assez blessant, mais cette étape était nécessaire et a été globalement positive. » Pour lui, l’Algérie se conjugue au futur, et il dit préparer son action politique « pour une évolution plutôt qu’une révolution ».
En attendant la création de son parti, qui aura pour prolongement un think tank consacré à la prospective économique, Kamal Benkoussa comprend les appels de protestation contre le quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika que lance le mouvement Barakat ! « Je n’ai rien contre le président, mais il est temps de laisser la place à une jeune élite compétente et intègre, plus à même de relever les grands défis de l’Algérie de demain. » Le 5 mars, au cimetière d’El-Alia, il citait Tocqueville : « Dans les démocraties, chaque génération est un peuple nouveau. »
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