Consensus à la malienne

Amadou Toumani Touré sera sûrement candidat à sa succession en 2007. À l’issue de son mandat, il peut se targuer d’avoir su préserver stabilité politique et paix sociale. Sera-ce suffisant pour garder ses alliés et battre ses adversaires ?

Publié le 12 juin 2006 Lecture : 4 minutes.

Compte tenu de son bilan, le président Amadou Toumani Touré n’aura sans doute aucun mal à obtenir, pour peu qu’il fasse acte de candidature, un deuxième mandat, en mai 2007. Risque-t-on pour autant d’assister à des tripatouillages électoraux ? Pas le moins du monde. Le pays reste fortement marqué par la culture du consensus, née du soutien de la classe politique au candidat ATT entre les deux tours de la présidentielle, en mai 2002. Et depuis son investiture à la magistrature suprême, le président de la République ne fait face à aucune forme d’opposition. Mieux : l’appui politique affiché par les partis les plus représentatifs s’est transformé ces derniers mois en appui électoral. Ainsi, l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma) a tenu, en novembre 2005, une conférence nationale à l’issue de laquelle elle a décidé de ne pas investir de candidat pour la prochaine présidentielle, tout en exhortant ATT à briguer un second mandat. L’Adéma devrait être imitée par le Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR, dirigé par Choguel Maïga) qui doit tenir son congrès le 30 juillet. Le Congrès national d’initiative démocratique (Cnid, dirigé par Me Mountaga Tall) devrait prendre une décision similaire. Élu sans étiquette partisane grâce à un puissant réseau d’associations, ATT devrait également compter sur le soutien inconditionnel du Mouvement citoyen, une organisation informelle regroupant diverses composantes de la société civile qui se réclament du programme d’ATT.
Si ce dernier observe avec satisfaction la multiplication des ralliements, il n’omet jamais d’en souligner la spontanéité. Car s’il compte bien profiter de la forte adhésion que suscite de sa personne, ATT refuse de devenir l’otage des partis politiques.
Le consensus aurait été général si Ibrahim Boubakar Keïta, IBK pour les intimes, n’avait fait entendre sa propre partition. L’actuel président de l’Assemblée nationale, ancien Premier ministre du président Alpha Oumar Konaré, est une figure de la scène politique malienne. Il a notamment cumulé le poste de chef du gouvernement avec celui de président de l’Adéma, jusqu’au jour, où, remercié par Konaré, il apprend que les instances du parti envisagent de lui retirer le statut de candidat naturel à la présidentielle de 2002. Furieux, il claque la porte de l’Adéma et crée sa propre formation, le Rassemblement pour le Mali (RPM). Nombre de cadres de l’Adéma le suivent. À l’issue du premier tour, IBK arrive en troisième position derrière ATT et Soumaïla Cissé. Il est disqualifié, mais prend l’initiative de rallier tous les déçus du premier tour sur la candidature d’ATT qui, à l’aide de ce report de voix, remporte le scrutin. Le nouveau président n’est pas un ingrat. Bien qu’il ait promis le perchoir à l’un de ses proches, il revient sur son engagement et octroie le rang de deuxième personnage de l’État à IBK.
Trois ans plus tard, pourtant, celui-ci ne semble pas avoir renoncé à ses ambitions nationales et annonce sa décision de se présenter à la présidentielle de 2007. C’est la fin du consensus et le début de la guerre de tranchées au Parlement. Tous les partis qui y siègent parlent de coup de poignard dans le dos et veulent marquer le coup. Si IBK est indéboulonnable à la présidence de l’Hémicycle, son parti trinque. Les élus RPM sont « virés » du bureau de l’Assemblée. Aucun d’eux ne figure dans les différentes commissions. ATT ne fait, évidemment, aucun commentaire, mais son entourage est plus loquace sur la confrontation ATT-IBK en 2007. « L’ambition d’IBK, assure Ousmane Thiam, ministre de l’Investissement et des PME, considéré comme un proche du président, est tout à fait légitime. Mais elle est des plus hasardeuses. »
La dernière consultation électorale nationale remonte aux législatives de 2002, qui avaient consacré le RPM deuxième force politique du pays avec une quarantaine de députés. Mais le parti a subi une véritable saignée après l’annonce prématurée de la candidature d’IBK. Combien pèse-t-il aujourd’hui ? IBK a-t-il une chance de battre le très populaire ATT ? À défaut de sondage d’opinion crédible, le seul indice disponible se résume à une élection partielle, qui s’est tenue à Mopti le 26 mars 2006. Le candidat portant les couleurs du RPM a été battu par celui du Mouvement citoyen, dont le mot d’ordre : « Tout sauf IBK », a été entendu. Le coup a été particulièrement rude et les partisans d’ATT n’ont désormais aucun doute sur l’issue de la présidentielle de 2007. « IBK est totalement piégé, analyse un diplomate occidental. S’il perd la présidentielle, sa carrière politique est finie. Et s’il y renonce, il ne sera pas en meilleure posture. » Cependant, tout militaire qu’il est, ATT n’est pas de ceux qui achèvent un homme à terre. En cas de réélection, il saura, nul n’en doute, trouver une porte de sortie honorable à celui qui aura voulu lui barrer le chemin d’un deuxième mandat à la tête du Mali.

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