Une querelle peut en cacher une autre

Publié le 13 mai 2008 Lecture : 2 minutes.

« La FAO n’est ni le Sénat ni le Conseil économique du Sénégal, que l’on peut supprimer ou rétablir au gré des humeurs. » Cinglante, la réplique de Jacques Diouf, directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation, a été à la mesure de la virulence de l’attaque lancée contre lui, cinq jours auparavant, par Abdoulaye Wade. Le président sénégalais avait en effet rendu la FAO responsable de la crise alimentaire mondiale et appelé à sa disparition.
Pour Diouf, les récentes sorties de « Gorgui » (« le vieux », en wolof) s’expliquent par des considérations « de politique intérieure ». Les relations entre les deux hommes ont longtemps été cordiales. Mais les propos alarmistes, début avril, du directeur général de la FAO concernant un risque de famine au Sénégal sont restés en travers de la gorge du chef de l’État, déjà confronté aux vives attaques de l’opposition et des syndicats, relayant le mouvement de contestation populaire contre la cherté de la vie – qui n’est nullement, hélas ! une exclusivité sénégalaise.
Dans l’entourage présidentiel, on en est venu à se demander si Jacques Diouf ne cherchait pas, en réalité, à se positionner dans la perspective de la présidentielle de 2012. En le débarquant de son trône onusien, Wade annihilerait du même coup les rêves qu’à tort ou à raison on lui prête… Officiellement, Diouf n’a jamais évoqué une telle éventualité, mais, au Parti socialiste, beaucoup le verraient bien faire acte de candidature en lieu et place du Premier secrétaire, Ousmane Tanor Dieng.
Ancien ministre de la Recherche d’Abdou Diouf, son homonyme dispose avec la FAO d’une tribune internationale. Il ne s’est d’ailleurs pas privé de critiquer la politique budgétaire de l’équipe Wade, de dénoncer ses dépenses somptuaires et de lui rappeler un certain nombre de promesses non tenues. De fait, « Gorgui » s’est souvent fait le chantre de l’autosuffisance alimentaire, mais force est de constater que, huit ans après son arrivée au pouvoir, le Sénégal continue d’importer plus de 600 000 tonnes de riz par an. Montant estimé de la facture : 350 millions de dollars. « Je viens de lancer un grand programme pour nous libérer de la tyrannie du riz introduit par le colonisateur et devenu, en deux siècles, notre principale nourriture », a encore expliqué le chef de l’État, le 4 mai, avant de se féliciter de l’aide promise par le gouvernement indien pour irriguer 240 000 hectares de terres dans la vallée du fleuve Sénégal.
En rejetant la faute sur la FAO et en soulignant la responsabilité des pays occidentaux, Wade se dédouane devant son opinion et s’attire du même coup les faveurs de pays émergents comme la Chine et l’Inde. Enfin, il se pose en héraut de la cause africaine. Une posture dont il est coutumier, tantôt dénonçant la dette des pays du Sud, tantôt organisant la croisade contre les accords de partenariat économique (APE). Habitué à commenter les déclarations tonitruantes de son « patron », l’un de ses conseillers explique : « Un jour, je lui ai demandé : ÂMais pourquoi vous emportez-vous tout le temps, président ? Â Il m’a répondu que c’était là le privilège d’un vieil homme qui n’a plus rien à perdre. »

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