Burkina Faso : KPG, conteur 2.0

À la croisée du récit traditionnel, du théâtre moderne et de l’engagement citoyen, Kientega Pingdéwindé Gérard est à la fois le garant de coutumes orales ancestrales et le pionnier de la transmission numérique du folklore voltaïque.

Le conteur KPG dans son kôkô dunda, tissu traditionnel du Faso.

Le conteur KPG dans son kôkô dunda, tissu traditionnel du Faso.

 © GLEZ

Publié le 23 mars 2021 Lecture : 3 minutes.

« Tradition et modernité » : rebattue et souvent théorique, l’association des deux mots n’est pas une tarte à la crème dans le quotidien de KPG. Artiste multidisciplinaire particulièrement reconnu dans l’art théâtral et l’univers du conte, qu’il qualifie de « thermomètre de la société », Kientega Pingdéwindé Gérard adapte le folklore oratoire burkinabè au monde contemporain. Et inversement.

Une énergie apaisante, celle de l’univers fantastique de la terre rouge du pays des hommes intègres

Sur un fil dont on peut facilement chuter pour tomber dans le gouffre des clichés ou l’abîme de l’adultère culturel, il déflore et sublime « ce moment où l’écoute, la parole et le chant s’entremêlent, se heurtent, créent une énergie apaisante, celle de l’univers fantastique de la terre rouge du pays des hommes intègres », comme il aime le rappeler.

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Pulvériser les frontières

Issu de la caste des forgerons, de père orateur de masques (celui qui dialogue avec les incarnations rituelles muettes), l’auteur de 42 ans, conteur, metteur en mots et en scène, déploie son héritage culturel voltaïque autour de l’actualité la plus brûlante.

Depuis le centre socio-culturel Koombi, qu’il a fondé dans sa ville natale d’Arbollé (Nord), il passe les heurts et bonheurs de la société actuelle à la moulinette de la sagesse séculaire.

En 2017, alors que les plaies politiques de l’insurrection populaire ne sont pas encore cicatrisées, il enfante le spectacle « Kosyam », du nom du palais présidentiel burkinabè, témoin de la fuite de Blaise Compaoré et d’une transition chaotique. En 2018, année du vingtième anniversaire de la mort de Norbert Zongo, KPG adapte sur scène Rougbêinga, roman du journaliste assassiné.

Même s’il cultive ses racines initiatiques dans des productions comme Parole de forgeron, KPG ne s’engonce pas dans la posture de l’immuabilité. Sa créativité pulvérise les frontières des langues, des zones géographiques, des disciplines et des supports.

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Après avoir travaillé, en mooré ou en français, avec des compagnies de théâtre locales, comme l’Atelier théâtre burkinabè (ATB) ou le Carrefour international de théâtre de Ouagadougou (Cito), il collabore avec des acteurs culturels européens, comme les compagnies de danse hip-hop françaises Ego (Niort) ou Engrenages (Rennes).

Il se produit de Vancouver à Montreux en passant par Beyrouth, où il obtient en 2009 la médaille d’argent de l’« Art du récit et de l’oralité » lors des VIes Jeux de la Francophonie. En 2020, avec les artistes ivoirien Mareshal Zongo, centrafricain Ozaguin, guyanais Gran Dôkô Sawani Makan et béninois Farouk Abdoulaye, il créé le spectacle Supiim (« l’aiguille », en mooré), allégorie des crises identitaires qui constituent le sillon de son labour.

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Bon sens burkinabè…

Côté mixtion de disciplines, il digresse volontiers vers la comédie audiovisuelle ou vers la musique, par exemple avec le groupe de jazz français Yapa. Par goût pour la variété des supports, il n’hésite pas à graver sa tradition orale dans le marbre du livre, notamment aux éditions des Lettres de Champrosay.

Enfin, en ces temps de pandémie, Kientega Pingdéwindé Gérard ne pouvait guère ignorer les horizons du numérique. Dès les semaines du semi-confinement de 2020, installé dans « l’Atelier de la Forge » de son jardin ouagalais, KPG investit Facebook pour des directs quotidiens.

… et horizons numériques

En cette année 2021, il entend valoriser l’outil digital en diffusant la littérature orale dans les milieux pédagogiques et en institutionnalisant le conte 2.0 à travers la création de l’émission « Contes et légendes » sur les réseaux sociaux.

À défaut de sa mère, on tète sa grand-mère

Si le virus fait craindre la contagion dans les salles de spectacles, le bon sens burkinabè enseigne qu’à « défaut de sa mère, on tète sa grand-mère ».

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