Les passeurs de mots du Burkina Faso

Dans un Faso où les livres coûtent cher, où plus de la moitié des adultes ne savent pas lire et où, comme partout, l’audiovisuel domine, les acteurs du monde du livre fourmillent d’idées pour atteindre les lecteurs. Portraits.

Monique Ilboudo, femme de lettres et militante des droits de l’homme burkinabè, le 25 avril 2018 à Genève, en Suisse. © Jean-Marc ZAORSKI/GAMMA-RAPHO via Getty Images

Monique Ilboudo, femme de lettres et militante des droits de l’homme burkinabè, le 25 avril 2018 à Genève, en Suisse. © Jean-Marc ZAORSKI/GAMMA-RAPHO via Getty Images

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Publié le 7 mai 2021 Lecture : 3 minutes.

Monique Ilboudo, romancière de l’action

Si la littérature est l’antichambre du rêve, le parcours de Monique Ilboudo est ancré dans le réel. Publiée depuis près de trente ans, la première romancière burkinabè ne s’est jamais enfermée dans une tour d’ivoire littéraire.

Dans les années 1990, la militante des droits humains a fondé Qui-vive, l’observatoire de la condition de la femme burkinabè. Elle a aussi créé la chronique « Féminin pluriel » du quotidien L’Observateur Paalga et fut une membre fondatrice du Conseil supérieur de l’information (qui a permis à la régulation de prendre le pas sur la judiciarisation dans la presse), avant de diriger le secrétariat d’État (2000), puis le premier ministère de la Promotion des droits humains du Faso (2002-2008). Friande de cultures du monde, elle est ensuite nommée ambassadrice du Burkina pour les pays nordiques et baltes.

Monique Ilboudo n’hésite jamais à nourrir sa plume de plaies à exorciser

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Monique Ilboudo n’hésite jamais à nourrir sa plume de plaies à exorciser. En 1998, quatre ans après le génocide des Tutsi, elle participe, à Kigali, avec une dizaine d’autres écrivains africains, à la résidence d’écriture « Rwanda, écrire par devoir de mémoire » – où elle donnera naissance à son roman Murekatete (publié en 2000 aux éditions du Figuier).

Aujourd’hui, dans un Sahel perclus de menaces jihadistes, elle vient de publier le roman Carrefour des veuves (éditions des Lettres mouchetées), où elle relate l’engagement de son personnage, Tilaine, envers ses sœurs victimes du terrorisme.

Jean-Claude Naba, éditeur militant 

Jean-Claude Naba, à Ouagadougou, le 3 mars 2021. © Olympia de Maismont pour JA

Jean-Claude Naba, à Ouagadougou, le 3 mars 2021. © Olympia de Maismont pour JA

Fondateur, en 1995, des éditions Sankofa, Jean-Claude Naba est à la fois enraciné dans sa culture locale et ouvert au monde. Professeur de langue germanique à l’Université de Ouagadougou, le sexagénaire n’en défend pas moins la revalorisation des langues africaines, particulièrement marginalisées dans le monde de l’écrit.

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Engagé, Jean-Claude Naba a notamment coédité, sous l’ère Compaoré, l’ouvrage À quand l’Afrique ?, de l’opposant Joseph Ki-Zerbo. Et publié Halidou Ouedraogo, une vie de lutte, sur l’avocat que l’on nommait alors « président du pays réel ».

Soucieux de la littérature populaire, il tente de promouvoir une édition de qualité à des coûts compatibles avec le pouvoir d’achat sahélien

Soucieux de la littérature populaire, il tente de promouvoir une édition de qualité à des coûts compatibles avec le pouvoir d’achat sahélien. Acteur de la bibliodiversité, attentif à une jeunesse gavée de contenus eurocentrés, il a consacré aux plus jeunes le second ventricule de son cœur éditorial : les éditions Gurli.

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Symbolique animalière et importance des mots : dans la cosmogonie du peuple akan, Sankofa est un oiseau qui incarne la quête de connaissance et l’examen critique du passé, tandis que Gurli signifie « hérisson » en gulmancema. Un animal qu’il serait impossible de garder prisonnier.

Simon Nacoulma, sous la latérite… les livres

Simon Nacoulma, directeur de l'ONG Nazemse, dans la bibliothèque de Ouagadougou, Burkina Faso. © Godong / Alamy Stock Photo/ABACA

Simon Nacoulma, directeur de l'ONG Nazemse, dans la bibliothèque de Ouagadougou, Burkina Faso. © Godong / Alamy Stock Photo/ABACA

Dans un Faso qui se heurte au manque de disponibilité des livres, un « tricycle » à étagères déambule. Le projet Biblio-moto s’inscrit dans le programme « Lire pour réussir » de l’association Initiative communautaire changer la vie (ICCV)-Nazemsé, née en 2002. Programmé sur un calendrier allant de 2015 à 2021, le projet de bibliothèque ambulante est notamment soutenu par l’Association sœur Emmanuelle (Asmae) et l’Agence française de développement (AFD).

La bibliothèque ambulante part à l’assaut des déserts culturels enclavés

Conscient du caractère onéreux des livres et du penchant élitiste des bibliothèques conventionnelles, le coordonnateur Simon Nacoulma, enseignant et linguiste, entend « créer un environnement propice à un apprentissage de qualité en langage et en lecture ». La bibliothèque ambulante part à l’assaut des déserts culturels enclavés dans la latérite des milieux peu favorisés, tandis qu’au siège du quartier de Cissin, à Ouagadougou, la bibliothèque Gabriel-Nacoulma accueille des milliers d’abonnés.

Biblio-moto associe à ses randonnées des animations musicales et des lectures orales. Quant à ICCV-Nazemsé, elle combine ses efforts éducatifs avec d’autres actions complémentaires dans le secteur de la sécurité alimentaire, de l’accompagnement socioéconomique des femmes et de la santé.

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