Pierre Moscovici

Jeune Afrique : Rachida Dati, Fadela Amara, Rama Yade Un gouvernement de gauche aurait-il, comme l’a fait Nicolas Sarkozy, donné leur chance à trois femmes issues de la diversité ?
Pierre Moscovici : Sans aucun doute, mais ça ne m’empêche pas de saluer le geste de Sarkozy. À mes yeux, c’est même l’une des rares choses qu’il ait réussies depuis le début de son mandat. Mais j’admets volontiers que le PS aurait dû prendre une initiative de ce genre depuis longtemps. Pendant la campagne présidentielle de 2002, j’en avais parlé avec Lionel Jospin. Il m’avait dit que, s’il était élu, il le ferait. Le connaissant, je n’ai aucun doute : il l’aurait fait.

Font-elles du bon travail ?
Aucune n’est une bonne ministre. Désormais, il ne faut plus les considérer comme des symboles de la diversité, mais comme des femmes qui exercent de hautes responsabilités et doivent être jugées sur leurs actes. Rachida Dati mène la politique pénale la plus réactionnaire de toute l’histoire de la Ve République. Compte tenu de son itinéraire, c’est une déception. Quant à Fadela Amara [secrétaire d’État à la Politique de la ville, NDLR], elle pèche par une excessive discrétion. Elle ne s’entend pas avec Christine Boutin, sa ministre de tutelle, et son Plan banlieue a accouché d’une souris.

Fadela Amara nous confiait récemment son regret de voir la gauche entretenir avec les Français issus de l’immigration des « rapports de vassalisation »Â
Elle est gonflée ! Je ne comprends pas qu’elle crache ainsi dans la soupe.

Avec la gauche au pouvoir, il n’y aurait, selon elle, ni Fadela ni Mohamed au gouvernementÂ
Totalement faux. C’est un procès d’intention.

Malek Boutih, le secrétaire national du PS chargé des questions de société, a été battu aux dernières législatives, en Charente, et n’a pas ménagé ses critiques à son partiÂ
Je reconnais qu’on aurait dû l’aider beaucoup plus, mais il a été investi dans une bonne circonscription. Vous savez, une élection se joue localement Les mentalités auront vraiment changé le jour où les Rachida Dati, Fadela Amara ou Malek Boutih se feront élire dans des circonscriptions difficiles.

Que pensez-vous de la politique d’immigration du gouvernement ?
Les immigrés sont aujourd’hui des boucs émissaires, je suis très inquiet de la manière dont on les traque. Or la France a besoin d’immigrés. Prenez l’exemple des travailleurs sans papiers, on découvre brusquement que certains ont des contrats de travail depuis des années, qu’ils sont utiles dans différents secteurs, et pas seulement la restauration. Va-t-on résoudre ce problème à la manière de Brice Hortefeux, en les expulsant, ou régulariser leur situation ? La politique d’immigration de la France est simplement indigne.

Depuis l’élection de Sarkozy, la diplomatie française est-elle devenue pro-israélienne ?
Dans le conflit israélo-palestinien, la diplomatie française est absente. Contrairement à Sarkozy, j’estime que l’amitié de la France pour Israël ne doit pas être inconditionnelle. Le fait qu’Israël soit un grand pays démocratique lui confère des devoirs, notamment celui de traiter convenablement les autres. Il faut dire clairement que nous souhaitons la création d’un État palestinien.
Par ailleurs, comment a-t-il pu affirmer, lors d’une récente visite, que les libertés progressent en Tunisie ? On peut soutenir que ce pays a réussi économiquement, que le statut de la femme y est très en avance, mais sans oublier que les associations de défense des droits de l’homme y sont systématiquement pourchassées.

Sarkozy considère apparemment le président Ben Ali comme un rempart contre le terrorismeÂ
Heureusement que, dans le monde arabe et en Afrique, il existe une alternative qui s’appelle la démocratie.