Les déboires d’un matamore

Publié le 13 mai 2008 Lecture : 4 minutes.

Il y a un an, les Français avaient été séduits par le candidat Nicolas Sarkozy, qui leur tenait un langage économique aux antipodes des circonlocutions absconses des spécialistes. Il les faisait entrer de plain-pied dans une économie où tout semblait simple. Comment ne pas applaudir celui qui se promettait d’« aller chercher la croissance avec les dents » afin de la porter à 3 % par an ? Comme il paraissait simple de « travailler plus pour gagner plus » !
Tous les problèmes semblaient solubles dans ce mélange d’incantations volontaristes et d’affirmations de bon sens fleurant bon le café du commerce. Les électeurs libéraux ne voulaient retenir que les promesses claironnées de baisses d’impôts. Et les souverainistes se régalaient des coups de semonce à l’adresse de Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, accusé de piloter une institution bien peu soucieuse de l’état de l’économie française.
Trois cent soixante-cinq jours plus tard, les Français se sont ravisés et jugent franchement médiocre le bilan économique de Sarkozy.
La cause essentielle de cette sévérité tient aux promesses inconsidérées du futur président. Celles-ci se sont trouvées annihilées par le ralentissement de la conjoncture internationale, aggravé, à partir du mois d’août, par la crise américaine des subprimes. Le gouvernement avait bâti son budget 2007 sur une croissance comprise entre 2 % et 2,5 % : ce fut 1,9 %. Du coup, les 3 % promis, à terme, apparaissent comme une fanfaronnade.

Aveu d’impuissance
La poussée inflationniste consécutive à l’augmentation des prix de l’énergie et des produits alimentaires donne aux ménages les plus démunis le sentiment d’un réel appauvrissement. Oubliés, les 200 000 chômeurs en moins et la hausse de 1,9 % du pouvoir d’achat (selon l’Insee) en 2007. Ne reste plus que cet aveu d’impuissance, début janvier, devant un pouvoir d’achat qui se dérobe : « les caisses de l’État sont vides »ÂÂ
Supposée relancer la croissance, la loi du 21 août 2007 sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat – le fameux « paquet fiscal » – a eu, au contraire, un effet ravageur. Elle a donné l’image d’un pouvoir favorisant les « milliardaires » : suppression de l’impôt sur les successions, instauration d’un bouclier fiscal, etc. D’autant que le président a donné l’impression de rechercher leur compagnie en célébrant sa victoire électorale au Fouquet’s, puis en allant méditer sur le yacht de Vincent BolloréÂÂ
Sur nombre de dossiers économiques, le chef de l’État s’est comporté à la fois comme un matamore et comme un amateur. Pourquoi a-t-il été dire aux cheminots en colère contre la réforme de leur régime de retraite qu’ils ne pâtiraient pas d’une décote de leur pension en cas de carrière incomplète, alors que ses conseillers disaient le contraire ? Pourquoi a-t-il promis aux métallos de Gandrange que leur usine ne serait pas fermée, sans consulter leur patron, Lakshmi Mittal ? Or celui-ci a finalement décidé de ne pas céder à SarkozyÂÂ
Les économistes ne sont pas moins cruels que l’électeur moyen. Ils reprochent au président d’avoir, dès son élection, agi sur la demande – qui se portait bien -, alors que l’offre des entreprises françaises n’est toujours pas très dynamique. Ils constatent que, pour ce faire, il a gaspillé 15 milliards d’euros (en année pleine) qui lui seraient aujourd’hui fort utiles pour affronter le ralentissement en cours.
Le dérapage des déficits publics qui en a résulté a valu au gouvernement un début de remontrance de la Commission de Bruxelles, la France n’étant pas le seul grand pays européen à s’éloigner de l’équilibre budgétaire. En 2009, il faudra faire 5 milliards d’euros d’économies au moment où la machine économique peinera à repartir.
Les experts les plus sévères estiment que le président n’a pas de ligne économique digne de ce nom et qu’il zigzague au gré de ses impulsions entre le libéralisme anglo-saxon, dont l’efficacité le fascine, et l’interventionnisme hérité de ses prédécesseurs.
Deux exemples en attestent. D’abord, la proposition du rapport Attali de libéraliser plusieurs professions, dont les taxis : la levée de boucliers qui s’est ensuivie a été telle que toute réforme a été renvoyée aux calendes grecques. Même reculade lorsqu’il a été question de supprimer les réductions SNCF pour les familles nombreuses. Bref, les dommages électoraux potentiels font rapidement avorter les envies présidentielles de « rupture ».
Paradoxalement, c’est dans le domaine social que la méthode Sarkozy a le mieux fonctionné. Parce qu’elle n’a cédé ni aux démons de la communication ni à la précipitation. Le président a compris qu’il ne pouvait mener à bien la modernisation sociale qu’à la condition de nouer un vrai dialogue avec les syndicats. Son succès dans la réforme des régimes spéciaux de retraite – qui lui a valu une dizaine de jours de grève – s’explique notamment par la primauté donnée à la CGT. En revanche, la fusion de l’ANPE et des Assedic a été menée à bien en privilégiant la CFDT.
Ce pragmatisme lui a permis d’installer le service minimum, certes allégé, de réformer le marché du travail, de libéraliser les heures supplémentaires et de « détricoter » les 35 heures. Sans drame.
Dans le climat de morosité ambiante, ces mises à jour suscitent quelques grincements de dents, mais il est indiscutable qu’elles rencontrent l’assentiment d’une large majorité de Français. Un sondage Figaro-Opinion Way réalisé du 30 avril au 2 mai auprès de 1 005 personnes âgées de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas, fait apparaître que 73 % d’entre elles estiment que la défiscalisation des heures supplémentaires ou l’instauration d’un service minimum dans les transports sont de bonnes choses. Quand Nicolas Sarkozy se donne de la peine – et surtout du temps -, le résultat est au rendez-vous.

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