« Je suis Mafia K’1 Fry », plongée dans l’âge d’or du rap français

Le rappeur Manu Key se raconte dans une autobiographie riche en anecdotes sur Kery James, DJ Mehdi et les autres membres du collectif hip-hop Mafia K’1 Fry.

Le rappeur d’origine guadeloupéenne Manu Key © Tcho Antidote/Edition Faces cachées

Le rappeur d’origine guadeloupéenne Manu Key © Tcho Antidote/Edition Faces cachées

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Publié le 2 mars 2021 Lecture : 4 minutes.

Quel est le point commun entre Rohff, Kery James, le 113 et le regretté DJ Mehdi ? Ils ont fait partie de la Mafia K’1 Fry, collectif hip-hop réunissant rappeurs, DJ, graffeurs, danseurs et beatboxeurs dont les voix et les musiques puissantes résonnent encore aujourd’hui. Manuel Coudray, rappeur originaire de Guadeloupe plus connu sous le nom de Manu Key, raconte aujourd’hui cet âge d’or du rap français dans un livre : « Les liens sacrés : Je suis Mafia K’1 Fry » 

Le titre « Les liens sacrés » renvoie au premier mini-album de la Mafia K’1 Fry. Le premier chapitre évoque un événement tragique : la mort de DJ Mehdi en 2011, après une chute accidentelle depuis une verrière. « La Mafia K’1 Fry au complet était réunie le jour de l’enterrement, au nom des liens sacrés », conclut Manu Key lors de cette entrée en matière riche en émotions.

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Chaque chapitre du livre évoque des épisodes marquants dans la vie de l’artiste ou de l’homme, né en 1971.  « Le concept était de donner une vision représentative de l’époque, explique Manu Key, la faire évoluer avec chaque événement. Les éditions Faces Cachées ont agencé le tout pour former une histoire et une identité. »

« Personne ne croyait en nous »

La jeunesse de Manu Key à Orly, en banlieue parisienne, est marquée par les déménagements, les allers-retours en pension, le divorce de ses parents… Parallèlement, il découvre la musique française avec Renaud, dont il dissèque les textes. L’émission de DJ Dee Nasty et Lionel D sur Radio Nova le fait entrer dans le rap. Ainsi commence un parcours dont il sera à la fois acteur et  spectateur. « C’est une façon de montrer à quel point le travail fut long et passionnant à la fois, mais surtout que rien n’est facile car on a dû aller chercher et cueillir notre fruit, confie-t-il. Rien n’était acquis. »

Il y avait de la place pour tout le monde et le talent et la passion se ressentaient instinctivement

Sur le chemin jusqu’au summum, comme le dit la chanson du 113, des décès, il y aura des incarcérations, des départs, des séparations douloureuses… En filigrane, on lit les vicissitudes auxquelles sont confrontées les jeunes des quartiers : « À 20 ans, tu n’as aucune notion de la vie, l’insouciance est inévitable, tout comme l’engrenage du quartier. C’est un aimant qui t’attire sans cesse vers le nocif. Il faut être bien entouré, c’est primordial, et même vu sous cet angle, il faut rester prudent. »

« Les lien sacrés : je suis Mafia K’1 Fry » de Manu Key, préface de Kery James (éd. Faces Cachées, 370 p., 21€) © Edition Faces cachées

« Les lien sacrés : je suis Mafia K’1 Fry » de Manu Key, préface de Kery James (éd. Faces Cachées, 370 p., 21€) © Edition Faces cachées

Dans ces mêmes quartiers, un grand absent, les autorités : « Pas de soutien de la ville, personne ne croyait en nous, et encore moins en notre musique. » Ce qui lui inspire ce mantra : « Va chercher ce que tu veux ». Et de préciser : « C’est ainsi que je définis mon combat, les élus ne sont pas maîtres de ton destin ».

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De MC Solaar à Kery James

Heureusement, l’entraide existe entre rappeurs, qui se rencontrent au sein des Maisons des jeunes et de la culture (MJC) et s’encouragent. Ainsi, MC Solaar repère le tout jeune Kery James lors d’un atelier d’écriture à Orly et l’invite pour un morceau par l’intermédiaire de Daddy Mory, l’un des futurs fondateurs de Raggasonic : « Les collectifs étaient très rares à cette époque, mais qui n’a pas été inspiré ou poussé par quelqu’un ? C’était tellement naturel, il y avait de la place pour tout le monde et le talent et la passion se ressentaient instinctivement. »

Un groupe phare à l’origine de carrières solo exceptionnelles

De cette passion naît une formidable créativité, une volonté de se dépasser. La bande de potes s’investit de plus en plus, leur approche devient plus pointue avec le succès, sans rien enlever à leur grain de folie, comme le montrent les multiples anecdotes racontées par Manu Key.

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Au milieu de cette fièvre, le rappeur glisse de plus en plus vers la réalisation d’albums. Il devient passeur, comme au basket, son autre passion, où il évoluait en tant que meneur de jeu, avec pour exemple Magic Johnson. Désormais coach diplômé, il a entraîné plusieurs équipes de haut niveau : « Ce goût pour le partage, je le tiens de ma mère », précise-t-il. Il lui rend d’ailleurs hommage lors de passages touchants. 

Sans complaisance

Quoi de plus éloquent que de reprendre l’anaphore « Pour ceux » – le plus gros succès de la Mafia K’1 Fry – pour inciter à se plonger dans ce livre ? Les liens sacrés est pour ceux qui veulent découvrir un homme qui se dévoile intimement et sans complaisance. Pour ceux qui veulent comprendre la construction de l’univers musical d’un artiste. Pour ceux qui veulent tout savoir sur un groupe phare, à l’origine de carrières solo exceptionnelles. Pour ceux qui veulent poser un autre regard sur les quartiers populaires, en particulier ceux du Val-de-Marne (94), d’où viennent la plupart des membres.

Dans la chanson Thug Life, Kery James, auteur de la préface de l’ouvrage, posait la question : « que serait la Mafia sans Manu Key ? » On ne connaîtra jamais la réponse mais, avec lui, la Mafia K’1 Fry a parcouru un sacré chemin.

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