C’était Elimane

Deux semaines après le décès de notre collaborateur survenu le 25 avril (voir J.A. nos 2468 et 2469), les hommages et témoignages continuent de parvenir à la rédaction de Jeune Afrique.

Publié le 13 mai 2008 Lecture : 6 minutes.

Sa vie n’a pas été vaine
– Elimane Fall était plus qu’un confrère pour moi. Parce que je partageais avec lui d’avoir grandi dans le même quartier de Kasnack, à Kaolack (au Sénégal) ; d’avoir appartenu à la même équipe locale de football qui portait le nom charmant de « Terreur des Barbares » ; et d’avoir aussi fait le même lycée Gaston-Berger (devenu ensuite lycée Waldiodio-Ndiaye), je le prenais d’abord pour un frère. Il l’était surtout au nom des valeurs qui nous avaient été inculquées à l’un et à l’autre : nos racines communes plongent leurs origines dans les terres chaudes du Baol et du Saloum, deux régions du Sénégal connues pour leur ardeur au travail et leur attachement à la traditionÂ
Elimane Fall a fait une apparition dans le ciel kaolackois du début des années 1970. Comme une étoile polaire. Le potache venu d’on ne sait où, de son Nioro natal ou de son Baol familial, s’était imposé bien au-delà des limites géographiques de Kaolack grâce à des exploits scolaires qui lui avaient fait remporter de nombreux prix au prestigieux Concours général.
Elimane s’était fait une renommée qui reste encore vivace bien que sa modestie l’ait probablement poussé à ne pas dévoiler tous ses atouts individuels de manière à ne pas trop attirer l’attention. De lui, je retiendrai l’essentiel – ce qui me semble être son trait dominant – à savoir la quête, angoissante, d’un savoir permanent visant à saisir la portée des sens qui déterminent l’existence humaineÂ
Sa mort intervient à une époque où le continent africain souffre d’un grave déficit de repères. Sa mémoire doit être maintenue de manière aussi vive qu’a brillé la belle flamme de son passage sur terre. Parce que, comme disait l’écrivain sénégalais Birago Diop, les morts ne sont jamais morts. Et certains, comme Elimane, encore moins que d’autres. Sa vie n’a pas été vaine !
Adama Gaye, ancien collaborateur de Jeune Afrique

Une partie de l’histoire de J.A.
– C’est avec une profonde tristesse que j’ai appris la disparition du journaliste Elimane Fall.
Par ses approches professionnelles, cet homme aux grandes qualités relationnelles et rédactionnelles a contribué à écrire une partie de l’histoire de Jeune Afrique, qui est un journal dont l’identité, le parcours et le destin se confondent avec notre jeune continent. À Béchir Ben Yahmed, à J.A. et à la famille éplorée, j’adresse mes condoléances les plus attristées.
Luc Adolphe Tiao, président du Conseil supérieur de la communication, Ouagadougou, Burkina Faso

la suite après cette publicité

Exigence et humanité
– C’est avec une grande émotion que j’ai appris la brusque disparition de « Papa » qui, j’en suis sûre, doit laisser un vide immense au sein de la rédaction de J.A. Et c’est avec beaucoup d’émotion que j’ai lu le très bel hommage que vous lui avez consacré dans le J.A. n° 2469. Je fais partie de ces gens qui ont eu la chance de croiser le chemin de ce grand professionnel qui savait si bien conjuguer exigence et humanité. Je ne l’oublierai pasÂ
Alexandra Singh-Pauliat, ancienne collaboratrice de J.A.

Deux frères
– J’ai été très attristé et profondément affecté par la disparition subite de notre cher petit Elimane Fall. Je garde du disparu le souvenir d’un homme d’une courtoisie remarquable qui avait toujours l’habitude de m’appeler « grand frère Agbo ».
Arrivé à la rédaction des journaux du groupe en avril 1987, je trouvai un garçon apparemment timide donnant le sentiment de quelqu’un qui peinait à élever la voix. Puis, au fur et à mesure des jours et des discussions en conférences de rédaction, Elimane Fall s’est rapproché de moi. De solides relations se sont nouées entre nous et nous prenions souvent nos déjeuners ensemble.
Il fut de ceux qui firent l’impossible pour me retenir au groupe quand j’ai pris la décision de le quitter. Finalement, il m’a conseillé de rester pigiste quelque temps, comme Béchir Ben Yahmed me l’avait demandé. Il le fit avec des raisons si convaincantes que je n’ai pas pu refuser. Devenu ministre dans le gouvernement togolais, en avril 1994, il m’adressa ses félicitations tout en précisant qu’il espérait que je ne ferais pas comme d’autres en passant par-dessus mes convictions : je crois ne pas l’avoir déçu.
Nous avons conservé nos relations, mais de façon épisodique à cause de mes innombrables occupations depuis mon retour au Togo au début de l’année 1993. En 2007, de Varsovie où je résidais, je l’ai appelé pour lui demander s’il suivait le cursus politique de son « grand frère Agbo ». Il m’a répondu « bien sûr que oui » et m’a souhaité bonne chance. Je ne savais pas que la promesse que je lui avais faite de passer au journal dans l’année 2008 se réaliserait en son absence. Une absence qui me pèse lourdement.
À son épouse, à ses enfants et à toute sa famille ainsi qu’au président du groupe Jeune Afrique et à toute la rédaction de J.A., son « grand frère Agbo » présente ses sincères et profondes condoléances. Qu’il repose dans la paix éternelle qu’il mérite.
Akagbobli Atsutse, ex-ministre togolais, ancien collaborateur de J.A.

« Travailleurs agricoles »
– On croit connaître l’Afrique pour l’avoir parcourue de long en large. Puis, un beau matin, on tombe sur Elimane Fall. On connaissait sa signature mais pas le personnage. Et soudain, c’est un choc. La fin des certitudes et la nécessité de tout reprendre à zéro. Une interview de tel ministre ? « Laisse tomber, papa ! Celui-là il va te vendre sa salade » Un papier sur telle actualité ? « C’est du réchauffé ! » Un article sur tel événement ? « C’est trop tôt. Attends un peu, tu vas voir » Sa force, ce n’était pas tant de sentir l’information que de l’anticiper, de prendre les devants et de décrire dans le détail le développement à venir d’un événement anodin en apparence. Un sixième sens inné ou une qualité rare, seulement à la portée des grands journalistes.
Elimane vivait l’Afrique au quotidien dans les huit mètres carrés de son bureau. En deux ans de présence à J.A., je ne l’ai vu voyager qu’une fois – et encore, au Portugal – pour interviewer le Congolais Jean-Pierre Bemba. L’Afrique venait à lui comme une bonne conseillère. Et il était à son pouls en permanence. Un soir, je débarque dans son bureau accompagné du porte-parole du gouvernement ivoirien. Elimane, naturellement, le connaissait mais sans jamais l’avoir vu. Il commence l’entretien en apostrophant le jeune responsable ivoirien : « Écoute, je vais te parler en frère. Voilà ce que je pense de toi, de tes amis, de la situation de ton pays et de sa classe politique. » Le ministre resta stupéfaitÂ
Il m’avait affublé d’un sobriquet : le « Blankinabè », jeu de mot à la frontière entre ma couleur de peau et l’affection que je porte au Burkina. Nous parlions beaucoup de Thomas Sankara, qu’il avait bien connu. Je l’enviais pour ça. Mais Elimane avait aussi l’art de vous désarçonner, de vous recadrer toujours dans le respect et l’affection des grands sages. « Le plus important est que le Lejeal soit toujours en harmonie avec le Frédéric », disait-il, taquin. Exigeant, aussi : « Ce que j’attends de toi, c’est ce que je m’inflige à moi-même et aux autres. À J.A., nous sommes tous des travailleurs agricoles. » Il voulait que les papiers ressentent l’Afrique, la sienne, et de manière viscérale : ses odeurs de braise, de cuisine et de guerre, ses incertitudes et ses espoirs quotidiens. À défaut, vous étiez bon pour refaire votre article une deuxième voire une troisième fois. « Quoi qu’il arrive, la seconde mouture est toujours meilleure que la première », répétait-il. Et il avait tellement raison.
Frédéric Lejeal, journaliste à J.A.

Un journaliste de talent
– Je voudrais vous présenter mes sincères condoléances après la disparition de notre ami Elimane Fall. Pour avoir eu le privilège de passer un mois de stage au siège de J.A. et d’avoir côtoyé ce journaliste de talent, je sais combien cette disparition va affecter la rédaction de J.A. Que tous les journalistes de J.A. et la famille du défunt trouvent ici l’expression de ma profonde tristesse.
Mohamed Inoussa, journaliste, Comores

la suite après cette publicité

Je n’arrivais pas à y croire
– Ce n’est qu’ à mon retour de l’intérieur de la Guinée (pendant le voyage, il n’était pas possible d’avoir RFI) que j’ai appris le décès d’Elimane. Cela m’a beaucoup attristée, car Elimane était un homme très sympathique. Je n’arrivais pas à y croire.
Muriel Devey, collaboratrice de J.A.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires