Coup de balai dans la maison Gbagbo

En limogeant deux de ses plus proches collaborateurs, le chef de l’État exauce les voeux d’une partie de l’opinion publique et, surtout, ceux de son épouse.

Publié le 13 mai 2008 Lecture : 3 minutes.

« Comme sur un damier, le président déplace les pions, fait et défait les carrières. De source proche de son entourage, il réfléchirait à un énergique coup de balai qui pourrait toucher certains membres de sa garde rapprochée, composée notamment de son chef de cabinet, Kuyo Théa Narcisse, son directeur du protocole, Eugène Allou Wanyou, et son porte-parole, Gervais Coulibaly. » En faisant ces révélations dans son édition du 30 mars, Jeune Afrique ne pouvait pas mieux dire. Quelques semaines après le limogeage, le 8 avril dernier, du lieutenant-colonel Raphaël Logbo, aide de camp du chef de l’État, c’est en effet au tour d’Eugène Allou Wanyou de faire les frais du grand ménage qui agite la maison Gbagbo.

Fin d’une époque
Proche parmi les proches, le directeur du protocole d’État a été écarté du palais du Plateau le 2 mai, et nommé dans la foulée ambassadeur au Cameroun. La disgrâce de celui qui évoluait depuis 1990 aux côtés du numéro un ivoirien (il fut le chef de cabinet de Gbagbo avant que celui-ci accède à la présidence en octobre 2000) a suscité bien des commentaires dans la presse locale et dans les salons feutrés d’Abidjan. Pour nombre d’Ivoiriens, le départ d’Allou marque la fin d’une époque. Mais témoigne surtout de la volonté du chef de l’État de faire place nette dans son entourage. Avec l’accord de son épouse.
Première dame atypique, femme politique de premier plan, vice-présidente de l’Assemblée nationale et du parti au pouvoir, le Front populaire ivoirien (FPI), Simone Ehivet Gbagbo n’a jamais caché son inimitié pour certains proches du chef de l’État. En janvier dernier, de retour de Gnaliépa (Centre-Ouest) où vit sa belle-famille, elle n’avait pas hésité à régler ses comptes avec Eugène Allou Wanyou, Raphaël Logbo et Kuyo Théa Narcisse. Elle n’aurait pas apprécié que ces derniers aillent, quelques jours auparavant, se plaindre de son comportement quelque peu autoritaire devant la mère de Laurent Gbagbo. « Je vous aurai un à un », leur avait-elle dit, menaçante. Kuyo Théa, le dernier rescapé, a du souci à se faireÂ

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Brutales évictions
Simone Gbagbo reproche également à l’ancienne garde rapprochée de son époux d’ouvrir grandes les portes du palais à Nady Bamba, unie par un mariage coutumier au chef de l’État, avec lequel elle a eu un fils, Laurent Koudou Gbagbo. Par le passé, Alain Toussaint, influent conseiller en communication de Gbagbo, avait déjà payé le prix fort de sa proximité avec Nady Bamba. Début 2003, il avait été brutalement évincé du Palais.
C’est aujourd’hui le tour d’Allou Wanyou. Gbagbo lui-même lui a annoncé son limogeage : « Vous avez un mois pour rejoindre votre nouveau poste d’ambassadeur au Cameroun. » Il faut dire que l’ex-directeur du protocole était devenu encombrant. Ce Bété de 54 ans né à Bougbouloua, dans le département de Gagnoa (Centre-Ouest), incarne tous les maux reprochés au pouvoir en place. Dans une Côte d’Ivoire qui, comme nombre de ses voisins, doit faire face aux émeutes de la faim, la Porsche rutilante avec laquelle il dévale les rues d’Abidjan ne passe pas inaperçue. De fait, le parc automobile d’Allou a toujours défrayé la chronique. En novembre 2000, alors qu’il venait d’être nommé chef de cabinet adjoint par son mentor, récemment arrivé aux affaires, un journal abidjanais avait alors titré : « À peine les refondateurs arrivés au pouvoir, Eugène Allou se paie une Mercedes 500 SE. » Mauvais genreÂ
En renvoyant à sa vocation première ce diplômé de Sciences-Po (option diplomatie), Gbagbo fait ainsi d’une pierre deux coups : il donne satisfaction à son épouse et envoie à la population un signal de bonne gouvernance, tout en « diversifiant » l’origine ethnique de ses plus proches collaborateurs. Bétés comme lui, Raphaël Logbo et Eugène Allou Wanyou ont été respectivement remplacés par le Baoulé Dua Kouassi Norbert et le Dioula Aboubacar Koné.

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