Cameroun : le pari risqué de l’Onep
L’entreprise marocaine Onep s’est lancé un sacré défi : développer l’accès à l’eau et contribuer aux investissements, estimés à 300 milliards de F CFA, pour faire oublier la Snec.
Les usagers de la défunte Société nationale des eaux du Cameroun (Snec) recevront, à compter de ce mois de mai, les premières factures estampillées Camerounaise des eaux (CDE). Créé à l’issue d’un appel d’offres international remporté en septembre 2007 par les Marocains de l’Office national des eaux potables (Onep), ce nouvel opérateur chargé de l’exploitation et de la distribution – dans 115 localités sur l’ensemble du territoire – est officiellement entré en service le 2 mai. Le cahier des charges prévoit l’amélioration de la qualité du service « sans solliciter le client », a indiqué, à Douala, Mohamed Bennani, directeur général. Cet engagement suggère, a priori, que les Marocains de la CDE n’entendent pas augmenter le prix du mètre cube d’eau, qui est d’environ 300 F CFA, suivant les tranches de consommation. C’est en tout cas le souhait des autorités camerounaises, et évidemment des 500 000 abonnés.
Les débuts difficiles, en 2001, de la Société nationale d’électricité (Sonel), reprise par le groupe américain AES, ont semble-t-il servi de leçon. Sur fond d’augmentation des tarifs, de coupures régulières d’électricité – essentiellement causées par la vétusté du réseau – et de franche hostilité des salariés et des populations, les deux premiers directeurs généraux américains avaient dû battre en retraite. Pour laisser la place à un staff 100 % camerounais emmené par Jean-David Bilé. Du côté de la CDE, les cadres de la défunte Snec espèrent que les Marocains seront à même de relever un sacré défi : moderniser un réseau obsolète et insuffler une politique commerciale agressive. À titre d’exemple, la desserte en eau potable à Douala (plus de 3 millions d’habitants) est assurée à seulement 35 %, et à 30 % pour les 2 millions d’habitants de Yaoundé, la capitale.
Dans l’immédiat, la CDE doit assurer le préfinancement de l’installation de 40 000 branchements sociaux dans le cadre d’un programme soutenu par la Banque mondiale. Coût du projet : 2,5 milliards de F CFA. Ces nouveaux usagers n’auront à débourser que 4 000 F CFA. Plus ambitieux encore, la société publique propriétaire du réseau, Camwater, vient d’élaborer un programme d’investissements chiffré à 300 milliards de F CFA sur dix ans. Il comprend notamment la construction de forages, d’une usine de traitement d’une capacité de 50 000 mètres cubes par jour à Yatto, sur les rives du Moungo, ainsi que l’installation d’une canalisation pour relier Douala.
Partenariat Sud-Sud
« Le groupement marocain a basé son offre autour d’un concept de partenariat Sud-Sud dans lequel toutes les parties sont gagnantes », souligne Bennani. En fait, une bonne partie de ces investissements vont être financés – outre l’apport des bailleurs de fonds institutionnels – par les marges dégagées par la CDE, dans le cadre du contrat d’affermage qui la lie à Camwater. Explication : la CDE va verser à la Camwater une redevance annuelle calculée sur la base du différentiel entre le prix à la consommation (300 F CFA) et le prix de vente de l’opérateur privé (176 F CFA). Ces tarifs peuvent être ajustés en concertation avec l’État. Cette articulation des rôles et ce modèle économique obéissent à la logique des partenariats public-privé. Avec un capital de 6,3 milliards de F CFA, la CDE a dix ans pour faire ses preuves et dresser les comptes. D’ici là, rien ne l’empêche de s’appuyer sur d’autres actionnaires privés nationaux, explique la Commission technique de privatisation et des liquidations (CTPL).
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