Vent de panique sur le monde

De Toronto à Bamako en passant par Paris, la peur s’est installée. Souvent, les mesures ne protection ne font qu’ajouter à l’inquiétude de la population.

Publié le 13 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Il ne fait pas bon avaler de travers à Singapour. Les quintes de toux qui s’ensuivent peuvent provoquer des réactions inattendues. Dans la cantine d’une administration de la ville, un homme peine à avaler une bouchée de nourriture. Et se met à tousser. Ses voisins de table se lèvent et s’éloignent, ceux des autres tablées rentrant la tête dans les épaules comme pour se protéger d’une bourrasque. Et enfin, un homme, ayant certainement rassemblé tout le courage qu’il porte en lui, s’approche et demande : « Vous sentez-vous fébrile ? » La réponse négative et l’arrêt des quintes finissent de rassurer la cantine, qui poursuit son repas dans le calme. On a eu chaud, le sras n’est pas encore entré en ces lieux.
Cette scène n’a rien d’anecdotique. De Hongkong à Toronto en passant par Paris, la peur s’est installée. En Europe, quelques cas de panique injustifiée ont été enregistrés. Comme l’arrêt d’un train français après qu’une personne d’origine asiatique y eut été victime d’une quinte de toux. La désertification du 13e arrondissement de Paris, le « Chinatown » français, est également une manifestation de l’inquiétude, à défaut de psychose, qui règne. Les restaurants et les boutiques d’alimentation ont vu leur taux de fréquentation chuter jusqu’à 75 %.
Pour autant, les Français ne portent pas de masque et ne sursautent pas à chaque fois qu’une personne tousse. La tension est même légèrement retombée à l’aéroport international de Roissy-Charles-de-Gaulle. Début avril, au plus fort de l’épidémie, tous les passagers des vols en provenance d’Asie portaient des masques. À la fin du même mois d’avril, cette pratique avait disparu, tandis que la livraison des bagages s’effectuait sur des tapis voisins de ceux déversant des bagages provenant d’Afrique.
L’inquiétude n’a toutefois pas disparu de la planète. À Haïti, l’arrivée d’un bateau dont l’équipage était composé de marins taiwanais a semé la panique, le 2 mai dernier. Pourtant, le navire avait quitté le port asiatique en février, avant que le sras ne franchisse les frontières chinoises. À l’aéroport de Bamako, vingt-sept Chinois en provenance de Guinée se sont vu refuser l’accès au pays et ont dû reprendre la direction de Conakry. Il se trouve qu’ils ne disposaient pas de visa en règle pour le Mali : les autorités guinéennes semblent les avoir orientés vers Bamako dans l’espoir de les voir repartir en Chine.
Ces mouvements de panique, très ponctuels, ne sont rien comparé à ce qui s’est passé dans les pays où la pneumonie frappe le plus fort. Les autorités ont multiplié les mesures pour éviter la propagation de la maladie. Elles attestent d’une réelle panique, qui ne rassure nullement la population. Ainsi, à Singapour, tout le personnel des administrations doit, normalement, prendre sa température trois fois par jour. Depuis qu’un vendeur au marché de Singapour a contracté le sras, il est également devenu obligatoire d’attester d’une température normale pour pouvoir faire ses emplettes. Les taxis qui circulent encore le font fenêtre ouverte, afin « d’évacuer le virus ». Le campus de Singapour, très étendu, a été divisé en quatre zones : si jamais un cas se déclarait, la zone concernée serait mise en quarantaine, les trois quarts de l’université pouvant ainsi continuer à fonctionner normalement. Ce système à été étendu à toutes les administrations.
Désormais, dans certaines entreprises de Hongkong ou de Singapour, toute personne revenant d’un séjour dans l’un des pays touchés doit rester isolée avant de réintégrer son bureau. Marie, une jeune Française expatriée à Singapour et revenant, à la mi-février, d’un séjour à Pékin – où les premiers cas de sras n’étaient pas encore déclarés – a dû, pour rassurer ses collègues, porter un masque le temps supposé de l’incubation. Elle explique également que la peur commence à se dissiper. La population apprend à « vivre avec » et remet le nez dehors. Les restaurants affichent à nouveau complet, tout comme les cinémas, à la faveur, il est vrai, d’un festival annuel de documentaires très prisé. Petit à petit, les Singapouriens retrouvent leur fièvre acheteuse. Le 1er mai, tous les centres commerciaux grouillaient de personnes souhaitant profiter des soldes exceptionnels décrétés pour relancer la consommation.

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