Une usine en kit
Acheter une chaîne de production aux États-Unis, la démonter puis la remonter près d’Alger : un projet inédit initié par l’Union Bank.
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Une des conséquences du 11 septembre 2001 : le gouvernement américain considère l’implantation de sites d’industrie chimique comme une menace pour la sécurité nationale. Par ailleurs, le secteur souffre, aux États-Unis, du prix élevé du gaz naturel et, par conséquent, de l’électricité. Du coup, l’heure est à la relocalisation. L’usine de production d’engrais de Pryor, dans l’Oklahoma, a déjà trouvé sa « terre d’accueil » : ce sera l’Algérie. Ses repreneurs ? La banque privée locale Union Bank associée au groupe turc Atlas Holding (une vingtaine de compagnies aux activités diverses allant du génie civil aux télécommunications en passant par l’audiovisuel), qui se lancent ainsi dans un projet inédit pour le pays : acheter, à des milliers de kilomètres, une chaîne de production opérationnelle, la démonter, la transporter et l’assembler puis l’exploiter en Algérie, sur le site des terminaux pétroliers d’Arzew (400 km à l’ouest d’Alger). Une acquisition de taille et de qualité : l’usine de Pryor appartient au groupe américain LSB Industries, qui détient 45 % de parts de marché aux États-Unis en matière d’ammoniac et d’engrais chimiques. Ses capacités de production sont de 320 000 t d’ammoniac, 173 000 t d’urée, 82 000 t de dioxyde de carbone, et de 424 000 t de solution urée-ammonium nitrate à 32 %.
Le coût du projet d’Union Bank et Atlas Holding devrait revenir à 119 millions de dollars (un peu plus du quart de la valeur réelle de la chaîne de production), soit : 55 millions pour l’usine non livrée, 10 millions pour son démantèlement, 2 millions pour son transport de Pryor vers l’Algérie, 17 millions pour la préparation du nouveau site, 30 millions pour l’assemblage et 5 millions pour le pourvoyeur. À titre de comparaison, les deux derniers sites réalisés – sur le même modèle – dans le monde, au Kazakhstan et à Trinidad, ont coûté chacun 450 millions de dollars.
De son côté, LSB Industries s’engage à acheter 60 % de la production. Le reste serait destiné aux marchés turc et algérien, alimenté en grande partie par l’importation, pour un coût de 120 millions de dollars. Le patron algérien d’Union Bank, Brahim Hadjas, entend couvrir la totalité des besoins de l’agriculture et mise sur les exportations. Le coût modeste de l’énergie en Algérie devrait permettre la réalisation de bonnes marges bénéficiaires. Sur la base d’une configuration de la chaîne de production tournée essentiellement sur les besoins de LSB Industries, soit 60 % des capacités, le profit global annuel serait de l’ordre de 46,5 millions de dollars. Ainsi, la production d’une tonne d’ammoniac reviendrait à 20 dollars. Si l’on y ajoute son transport vers les États-Unis (25 dollars la tonne), ce coût total passerait à 45 dollars. LSB paie la tonne à 165 dollars, soit une marge de 120 dollars la tonne.
Cette opération constitue une autre première en Algérie : non seulement le vendeur d’une chaîne de production, LSB Industries en l’occurrence, offre des garanties de performance, mais il délivre et exécute des garanties d’achat pour plus de la moitié de la production. Ce qui facilite le montage financier : les crédits bancaires seront garantis par les livraisons futures au marché américain. C’est d’ailleurs l’Euram Bank (groupe financier américain et européen basé à Londres) qui assumera tous les frais associés à l’opération. Un projet attractif, donc, d’autant qu’un seul exercice couvrirait les frais d’acquisition de l’usine de Pryor.
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