Sauve qui peut à la Garde républicaine

À la première alerte, nombre de combattants d’élite ont préféré tomber le treillis. Et rentrer chez eux.

Publié le 12 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Avant le début des opérations militaires en Irak, beaucoup étaient persuadés que la Garde républicaine, corps d’élite choyé par Saddam Hussein, opposerait, elle au moins, une résistance farouche à l’envahisseur américain. De toute évidence, il n’en a rien été. À l’inverse de Waterloo, c’était plutôt « la Garde se rend, mais ne meurt pas ».
Pourquoi ? s’est demandé l’hebdomadaire américain Time.
Réponse : « Lors de la première guerre du Golfe, les combattants irakiens démoralisés se sont rendus en masse aux Américains au Koweït. Cette fois, ils étaient dans leur pays : ils sont simplement rentrés chez eux. »
Ce ne sont pas des propos en l’air. Ils s’appuient sur une enquête méthodique menée sur le terrain au sud de Bagdad, sur « les deux arcs le long desquels la Garde républicaine était déployée ». « Nos cinq enquêteurs, écrit Time, ont visité sept champs de bataille : Hindiya, Hilla, Kout, Youssoufiya, Mahmoudiya, Souwayra et Dawra. Ils se sont penchés sur les traces des combats, ont inspecté les cimetières, visité les hôpitaux et interviewé les témoins. Ils ont aussi interrogé les survivants de la Garde républicaine sur la manière dont ils se sont échappés et sur le destin de leurs camarades. » L’article est signé Terry McCarthy.
Les quatre divisions de la Garde – la Bagdad, la Medina, la Nabuchodonosor et la Hammourabi – devaient compter au total de 16 000 à 24 000 hommes. La supériorité aérienne des Américains était évidemment totale. En outre, leurs bombes étaient smart – « intelligentes » : c’était le cas de 70 % des 28 000 obus et missiles qui ont été lâchés pendant la guerre. Les projectiles allaient sans broncher vers les chars naïvement cachés sous les palmiers. Autrement dit, les troupes irakiennes ne pouvaient guère utiliser leur matériel. Mais à la moindre alerte – apparition d’un drone, bruits d’avions, explosion d’un char voisin -, les soldats quittaient leur engin ou évacuaient leurs positions. Tout indique que même dans la Garde républicaine, il n’y a guère eu de « morts au champ d’honneur ». Les Américains et les habitants des zones de combat ont trouvé très peu de cadavres dans les engins détruits.
En dépit de cette supériorité aérienne, beaucoup de membres de la Garde républicaine n’abandonnaient pas immédiatement leur poste. Ils savaient ce qui les attendait s’ils désertaient et s’ils étaient pris : l’exécution immédiate ou l’oreille coupée. Mais il semble bien souvent y avoir eu préméditation : ils étaient disposés à s’enfuir dès que l’occasion se présenterait. L’occasion a été l’approche des fantassins américains.
À Mahmoudiya, Ali Mohamed, un comptable de 50 ans, a vu un officier irakien donner l’ordre à ses hommes – une vingtaine – d’aller à la rencontre des Américains. À peine s’étaient-ils mis en marche que l’officier s’est dépouillé de son uniforme : il avait en dessous ses vêtements civils. Ce que voyant, les soldats ont pris la fuite à leur tour. Commentaire recueilli par Ali Mohamed auprès d’un fuyard : « On ne se battait pas pour le pays, on se battait pour le régime. On n’allait pas risquer sa vie pour un homme. »
Indication supplémentaire de l’abandon de poste au moment bien choisi : les tranchées creusées face au sud, les abris construits avec des sacs de sable, les emplacements pour les canons, où pratiquement aucune douille, aucune cartouche, aucun casier de munitions ne témoignait d’un affrontement. Au contraire, au bord des routes, des uniformes et des bérets abandonnés. Dans les maisons, des cartes, des manuels, des masques à gaz jonchant le sol.
Un des reporters de Time a rencontré un capitaine de la division Hammourabi, baptisé Azed parce que l’homme préfère ne pas dire son nom. Dans la maison de son oncle, à Bagdad, la cigarette à la main, devant une tasse de thé, Azed raconte que, le 5 avril, il a reçu l’ordre d’évacuer les positions qu’il occupait à Souwayra. Mais l’ordre de se regrouper n’est jamais venu. Il a alors pris le chemin de Bagdad en agitant son mouchoir blanc. « Nous pensions que la Garde républicaine résisterait mieux que ceux de Bassora, dit-il. Nous ne nous sommes pas battus. J’ai honte. »

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