Sarkozy, videur de choc

Fichage des demandeurs de visa, délivrance parcimonieuse des certificats d’hébergement, restriction des conditions d’obtention d’un titre de séjour… Pour endiguer l’immigration clandestine, le ministre de l’Intérieur n’y est pas allé de main morte.

Publié le 12 mai 2003 Lecture : 4 minutes.

«Le consulat de France à Bamako enregistre 150 demandes de visa de tourisme par jour, celui d’Alger, 2 300. Pensez-vous vraiment qu’il ne s’agisse que de touristes ? […] Faut-il se satisfaire que des étrangers en grand nombre puissent se maintenir chez nous de façon irrégulière parce qu’ils ont fait disparaître leur identité ? » Le ministre français de l’Intérieur, qui a le don de répondre aux questions par des questions, entend offrir enfin aux Français « un débat digne » sur l’immigration. Le 30 avril, Nicolas Sarkozy a fait adopter en Conseil des ministres son projet de loi sur l’entrée et le séjour des étrangers, qui devrait passer sans mal l’épreuve des deux Chambres avant l’été.
Après François Fillon, le ministre des Affaires sociales, qui a dévoilé, le 10 avril, son plan pour l’intégration des étrangers en France, et Dominique de Villepin, qui a présenté sa réforme restrictive du droit d’asile le 15 avril, ce fut au tour de Nicolas Sarkozy de rendre sa copie. Si Fillon réserve son dispositif d’intégration aux « primo-arrivants », c’est-à-dire aux nouveaux étrangers désirant s’installer en France, Sarkozy se charge de faire en sorte qu’ils ne soient pas trop nombreux.
Comme « près de 80 % de ceux que l’on appelle les sans-papiers sont arrivés en France avec un visa de tourisme de trois mois », selon le ministre de l’Intérieur, l’une des mesures fortes est la création d’un fichier des demandeurs de visa de tourisme, avec un relevé d’empreintes digitales dans les consulats des pays de départ. S’agit-il de ficher tous les gens qui entrent en France ? « Bien sûr que non, se défend Sarkozy, cette mesure concerne uniquement les pays soumis à visa, ce qui n’est, par exemple, pas le cas des pays de l’Union européenne, des États-Unis ou du Japon »… Deuxième arme pour lutter contre les « touristes indésirables » : le contrôle désormais strict de la délivrance des attestations d’accueil nécessaires à l’obtention d’un visa. Le maire pourra refuser de valider ce document « lorsque les demandes précédentes feront apparaître une tentative de fraude ou lorsque le contrôle du logement effectué par l’Office des migrations internationales (OMI) montrera que les conditions normales d’hébergement ne sont pas réunies ».
Fini les noces de complaisance et la paternité pour obtenir des papiers. « On pourra bien sûr toujours se marier avec un Français ou une Française, concède Sarkozy, mais on ne pourra plus utiliser le mariage comme un stratagème pour séjourner durablement en France. » Le projet de loi fait passer de un à deux ans la durée de vie commune nécessaire à la délivrance de la carte de résident au titre du mariage avec un ressortissant français. Les maires pourront saisir le procureur compétent pour enquêter sur les intentions réelles des tourtereaux suspects. Et « il pourra être sursis à la célébration du mariage pendant une durée de soixante-quinze jours », le temps d’effectuer cette vérification. Les candidats au mariage blanc seront punis : ils pourront écoper d’une peine allant jusqu’à cinq ans de prison et 30 000 euros d’amende. Et les parents de complaisance ? Cernés aussi : la qualité de parent d’un enfant français ne donnera accès à la carte de résident qu’après deux ans d’exercice de l’autorité parentale et de participation aux frais d’entretien de l’enfant.
Quid des objectifs d’intégration ? Le projet Sarkozy est censé compléter le contrat d’accueil et d’intégration cher à François Fillon. Mais en faisant bien comprendre aux immigrés que le séjour de longue durée en France, ça se mérite. Le délai au terme duquel un étranger disposant d’une carte de séjour temporaire d’un an renouvelable peut demander la carte de résident de dix ans passe de trois à cinq ans. Il devra prouver ses efforts d’intégration par « un faisceau d’indices », comme la maîtrise de la langue française, le suivi d’une formation professionnelle ou encore la participation à la vie sociale et associative. Selon Sarkozy, les nouvelles conditions d’intégration s’adressent surtout aux femmes arrivées par le regroupement familial et qui sont maintenues au foyer sans pouvoir en sortir : « Elles devront apprendre le français et s’intégrer, nous les inciterons ainsi à s’émanciper. »
Chirac s’est félicité de la « générosité » et de l’« humanité » du projet de loi sur l’immigration. « Ému » par le cas de Chérif Bouchelaleg, un Algérien père de six enfants français, arrivé en France à l’âge de 3 ans et menacé d’expulsion après plusieurs condamnations, Sarkozy a respecté son engagement de réformer la double peine, régime en vertu duquel un étranger condamné par la justice française peut être expulsé du territoire à sa sortie de prison. C’est une réforme, pas une suppression de la double peine, contrairement à ce qui a été véhiculé par certains médias. Quatre catégories de personnes seront protégées contre la double peine : les étrangers nés en France, ou arrivés avant l’âge de 13 ans, les étrangers résidant régulièrement en France depuis vingt ans, les étrangers résidant en France depuis dix ans et mariés depuis trois ans à un ressortissant français ou à un étranger ayant lui-même passé toute son enfance en France et, enfin, les étrangers résidant en France depuis dix ans et parents d’enfants français. Les autres « délinquants étrangers » qui n’ont aucun lien familial avec la France ne bénéficieront pas de la magnanimité du ministre.
Le dernier recensement, effectué en mars 1999, évalue le nombre d’immigrés résidant en France métropolitaine à 4 310 000, soit 7,4 % de la population, proportion stable depuis 1975.

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