[Tribune] Covid-19 en Afrique : qu’attendons-nous pour faire confiance aux jeunes ?

Il y a un an aujourd’hui, le Covid-19 était officiellement requalifié en « pandémie » par l’OMS, qui reconnaissait ainsi son caractère mondial. Un an et plus de 100 000 morts plus tard, il est plus que temps pour l’Afrique de reconnaître – et surtout d’encourager – le rôle joué par sa jeunesse dans la lutte contre le virus.

Des personnes font la queue pour recevoir des subventions sociales dans un bureau de poste de Port Elizabeth, en Afrique du Sud, le vendredi 13 novembre 2020. © Theo Jeptha/AP/SIPA

Des personnes font la queue pour recevoir des subventions sociales dans un bureau de poste de Port Elizabeth, en Afrique du Sud, le vendredi 13 novembre 2020. © Theo Jeptha/AP/SIPA

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  • Cheikh Fall

    Président d’AfricTivistes, la Ligue africaine des blogueurs et web activistes pour la démocratie

Publié le 11 mars 2021 Lecture : 4 minutes.

Les catastrophes sont des événements qui permettent aux jeunes de faire ressortir leur esprit et leur pouvoir de création, de même que leur sens des responsabilités. Un an après le début de la pandémie de Covid-19, alors que les États continuent de s’adapter à ce nouveau mode de vie, les jeunes ont su rivaliser d’ingéniosité afin d’apporter des réponses contre la progression de la maladie.

Au moment où la pandémie a frappé le monde, l’Afrique de l’Ouest était l’une des régions les moins préparées à lutter contre ce fléau. La Covid-19 a mis à nu les limites des États à gérer une telle crise sanitaire et ses impacts socio-économiques. Déjà confrontée à des problèmes de sous-financement des soins de santé, la région faisait aussi face à l’absence de systèmes de protection sociale décents tel que l’indiquait Oxfam en 2019 dans son indice sur l’engagement des États ouest-africains à réduire les inégalités.

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Résultat : la pandémie de Covid-19 et le virus des inégalités accélèrent leur progression dans la région. Pour inverser la tendance, freiner l’évolution de la pandémie et réduire ses effets socio-économiques, les États ont préféré miser sur les acteurs et partenaires traditionnels. Mais la lutte contre la pandémie aurait certainement été plus efficace s’ils avaient fortement impliqué les jeunes comme acteurs de premier plan de la stratégie de riposte.

La jeunesse est une solution et non un problème

En 2018, 64 % de la population ouest-africaine avait moins de 24 ans. Si d’aucuns perçoivent ces jeunes comme des propagateurs supposés de la maladie, c’est pourtant en partie grâce à eux que la région a enregistré moins de victimes qu’ailleurs dans le monde. Véritablement engagés à lutter contre la pandémie, ils ont été au cœur du dispositif de riposte.

Ces derniers mois, AfricTivistes – qui défend les droits des jeunes en Afrique – a cartographié un échantillon de plus d’une centaine d’initiatives portées par des jeunes ouest-africain-e-s (de 10 pays), individuellement ou collectivement et de manière spontanée, pour contribuer et compléter l’effort des pouvoirs publics dans la lutte contre la Covid-19. L’analyse de ces données récoltées a permis de mieux cerner la question et de produire un rapport analytique qui démontre l’engagement des jeunes à faire face à cette crise sanitaire.

L’engagement de la jeunesse est un indicateur qui vient déconstruire les préjugés et idées reçues

Nous avons constaté que dans la majorité des cas, les activités menées (74 %) portent sur l’accès aux kits d’hygiène, le renforcement de la connaissance sur la maladie, la déconstruction des fausses informations, l’adoption des gestes barrières, la mobilisation des communautés et la mobilisation de ressources au service de celles-ci.

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D’autres initiatives très novatrices ont porté sur l’utilisation de la technologie (23 %) afin de mettre au point des prototypes pour la prévention (unités de désinfection). C’est dans cette logique que l’innovation de la jeunesse nigérienne – notamment la structure IPREN Energy – a créé une « machine d’assistance respiratoire » qui utilise des composants intelligents et un algorithme d’intelligence artificielle pour contrôler et réguler automatiquement les différents paramètres respiratoires d’un patient. Elle consiste à procurer au patient du gaz mélangé à l’oxygène à dose bien déterminé avec une pression et un volume bien calculé.

Sans oublier les initiatives majoritairement centrées sur la transparence, la redevabilité mais aussi la gestion des fonds publics alloués à la lutte contre la pandémie (3 %). Par exemple, l’organisation « Gambia Participates » a mené une étude sur la gestion des fonds Covid-19 et la prestation efficace des services de santé publique. Elle a aussi tenu des discussions sur le rôle de la société civile dans la transparence budgétaire, notamment la redevabilité du gouvernement dans l’utilisation des fonds Covid-19.

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L’engagement de la jeunesse, à travers ces initiatives développées face à la Covid-19, est un indicateur, objectivement vérifiable, qui vient déconstruire les préjugés et idées reçues relatives au rôle et à la place des jeunes dans la conduite des affaires de la cité.

Un manque de moyens

Pour autant, les appareils étatiques semblent ne pas accorder trop d’importance à cet engagement de la jeunesse. En effet, on constate que 62 % de ces initiatives cartographiées ont eu recours à l’autofinancement (propres ressources, crowdfunding), faute d’avoir pu obtenir un soutien de leur gouvernement.

Selon Hamani Moussa Boureima de l’Association des jeunes actifs (AJC) au Niger, « les autorités ne sont pas à l’écoute des jeunes et ne pensent pas que notre activité puisse être une réussite ». En revanche, il apparaît clairement qu’en termes d’accessibilité, de disponibilité et de réceptivité face aux initiatives des jeunes, les autorités locales et coutumières ont répondu plus présentes que les autorités administratives et politiques. Les synergies réussies ont donné les résultats les plus probants sur le terrain.

Préparer l’avenir africain post-Covid, c’est aussi rebâtir un contrat social dans lequel la jeunesse a toute sa place en tant qu’acteur-clé

Le financement n’a pas été un frein à la mobilisation de la jeunesse africaine, même si la faiblesse des moyens et le manque de reconnaissance a limité la couverture et l’envergure des actions. Ainsi, une amélioration de l’accès des jeunes aux financements impacterait positivement sur leurs actions.

Préparer l’Afrique de demain

Les jeunes sont les plus durement impactés par la pauvreté en période de pandémie. Préparer l’avenir africain post-Covid, c’est aussi rebâtir un contrat social dans lequel la jeunesse a toute sa place en tant qu’acteur-clé.

Ce contrat social et de confiance accompagnera aussi les gouvernants à mieux protéger les populations et à construire un avenir inclusif. Les activistes et les mouvements sociaux devraient être en mesure d’agir dans un espace civique qui garantit leurs droits, les valorise et leur permette de se renforcer. Alors, qu’attendons-nous pour faire plus confiance aux jeunes ?

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