Victoires de la musique classique : Marie-Laure Garnier, la voix des Outre-Mer

La soprano a remporté le prix de la Révélation lyrique de l’année aux Victoires de la musique classique, le 24 février. Une première pour une chanteuse issue des territoires ultramarins.

La cantatrice française Marie-Laure Garnier lors des 28e Victoires de la musique classique, le 24 février, à l’Auditorium de Lyon. © Jeff PACHOUD/AFP

La cantatrice française Marie-Laure Garnier lors des 28e Victoires de la musique classique, le 24 février, à l’Auditorium de Lyon. © Jeff PACHOUD/AFP

Publié le 11 mars 2021 Lecture : 3 minutes.

« Venue de Guyane à l’âge de 14 ans, je n’imaginais pas être ici ce soir. Je dédie ce prix à tous les chanteurs en herbe des Outre-mer. » Lorsque Marie-Laure Garnier (28 ans aujourd’hui) prend la parole, le 24 février, après avoir reçu le prestigieux prix de la Révélation lyrique de l’année, son émotion est palpable.

La soprano le sait, cette Victoire de la musique classique a une résonance particulière. C’est la première fois qu’une artiste lyrique issue des territoires ultramarins est lauréate. « C’est un message fort envoyé par l’institution. D’ailleurs, cette victoire on peut la partager avec toutes les Outre-mer », confie la jeune femme à Jeune Afrique, quelques jours après avoir reçu son prix.

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Flûte traversière

Ce n’est pas tout : depuis Barbara Hendricks (lauréate en 1986, 1988 et 1992), aucune Noire n’avait remporté une Victoire de la musique classique. Marie-Laure Garnier veut y voir plus qu’un symbole : « Primer une femme noire, ce n’est évidemment pas anodin. Mais je pense que les Victoires ont surtout voulu récompenser mon travail, mon talent, et non le fait que je sois noire, insiste-t-elle. Je reçois ce prix avec beaucoup d’émotion et beaucoup de fierté – celle d’avoir tracé ma voie jusque-là. »

Son parcours commence à Kourou, en Guyane, où elle goûte à la musique dès la maternelle. C’est le début d’une histoire d’amour. Après les percussions traditionnelles, elle s’initie à la flûte traversière, tout en apprenant le piano et l’orgue. « J’étais une enfant très passionnée par la musique. Je croquais la vie musicale à pleines dents : je dormais musique, je respirais musique ».

Forte émulation

À 14 ans, son destin prend un tour inattendu grâce à Laure de Bressy, sa professeure de flûte. « Elle m’a dit que si je voulais continuer à progresser, il faudrait que j’entre au Conservatoire de Paris. Elle s’est battue pour que je puisse passer ce concours à 8 000 km de chez moi. J’ai été admise, et c’est là que les choses sérieuses ont commencé. »

Au chœur de la Maîtrise de Paris, on repère son immense potentiel vocal

Arrivée dans la capitale, la jeune fille doit trouver un nouvel équilibre de vie, loin de ses parents. « Ils m’ont toujours fait confiance, même si, à 14 ans, on est encore un bébé ».

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Au Conservatoire, où tous ses camarades ont l’ambition de devenir des musiciens professionnels, l’émulation est forte. Un an après son arrivée, elle entre à la Maîtrise de Paris, un prestigieux chœur d’enfants. Là, les professeurs repèrent son immense potentiel vocal. Le chant ne la quittera plus.

En 2009, à 19 ans, elle intègre la classe de chant lyrique de Malcolm Walker, au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. Elle y passe sept ans, et obtient un Prix de chant, un Master de musique de chambre et son diplôme d’artiste interprète.

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Paris, Londres, Moscou…

En parallèle à ses brillantes études, elle construit sa carrière petit à petit. Christophe Ghristi, directeur du Théâtre du Capitole, à Toulouse, lui fait confiance à ses débuts. Elle chante au Théâtre des Champs-Élysées, à la Philharmonie de Paris, à l’Oxford Lieder Festival, à l’Auditorium Reina-Sofia (Madrid), à la salle Bourgie (Montréal), au Wigmore Hall (Londres) et au Bolchoï (Moscou).

À l’opéra, Marie-Laure Garnier impressionne les critiques, qui louent sa « voix ample et sa grâce, le tout teinté d’un humour savamment dosé ». Elle interprète Gerhilde dans La Walkyrie, de Wagner, Ygraine dans Ariane et Barbe-Bleue, de Dukas, ou La Cantatrice dans Reigen, de Boesmans.

Entre autres récompenses, elle reçoit le Prix de la mélodie au Concours Nadia et Lili Boulanger, en 2017, aux côtés de la pianiste Célia Oneto Bensaid, avec qui elle prépare un disque où se répondent les mélodies françaises (de Poulenc et Messiaen) et les negro-spirituals.

Un exemple pour les jeunes

Elle est également lauréate de la première édition des Voix d’Or des Outre-mer, en 2019. Un prix qui l’a « énormément soutenu » et lui « a apporté beaucoup de visibilité, ce qui est crucial pour un jeune artiste ».

Elle espère à présent que sa Victoire de la musique inspirera les jeunes, en particulier ultramarins : « Si voir à la télévision une femme noire primée dans une catégorie lyrique peut donner envie à d’autres jeunes de se lancer, de s’accrocher [pour vivre] leur passion, ce serait merveilleux », conclut-elle.

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