Mouiller le boubou

Publié le 13 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Bien sûr, la diplomatie n’a pas constitué la priorité de la première année du mandat d’Amadou Toumani Touré, mais l’image du Mali à l’extérieur n’a jamais cessé de faire partie de ses préoccupations. Avant son élection, le 12 mai 2002, ATT avait déjà fait ses preuves dans le règlement des conflits en Afrique. Il avait mené, avec succès, des missions de bons offices et dirigé de nombreuses opérations d’observation de scrutins à travers le continent. Et s’il fallait avancer une preuve de son intérêt pour la chose diplomatique, il n’y aurait qu’à se reporter à la personne qu’il a choisie comme ministre des Affaires étrangères : Lansana Traoré. Ce dernier est considéré comme un homme du président, dont il a dirigé la campagne électorale. Certes, il n’a pas réussi à faire oublier feu Blondin Beye, ni même Modibo Sidibé, mais Lansana Traoré est en train de faire son petit bonhomme de chemin dans les arcanes de la diplomatie du continent et au sein des instances de l’Union africaine (UA). ATT et son chef de la diplomatie ont volontairement opté pour la discrétion dans la gestion de la crise ivoirienne. Une discrétion qui n’enlève rien à l’efficacité ni à l’assiduité lors des réunions, extraordinaires ou non, des structures de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), en première ligne sur ce dossier. ATT a même tenté de réconcilier les présidents ivoirien et burkinabè, Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré, en les recevant le 4 décembre 2002 à Bamako et en leur organisant un tête-à-tête au palais de Koulouba.
La diplomatie-spectacle n’est assurément pas le sport favori du chef de l’état malien, mais, dans quelques mois, il devra connaître, sauf incident, sa première grande épreuve diplomatique. Le 10 juillet, ses pairs africains seront réunis en sommet à Maputo pour élire le président de la Commission de l’UA. ATT a un candidat, et pas n’importe lequel : son prédécesseur, Alpha Oumar Konaré. C’est le genre d’élection qu’il n’a pas le droit de perdre. Il y va de son image et du poids de son pays dans la sous-région. L’échec étant interdit, il devra donc « mouiller le boubou » dans une campagne électorale dont le résultat est loin d’être acquis. Pourquoi ? Parce que l’entrée en course du président intérimaire de la Commission, l’Ivoirien Amara Essy, a changé la donne. Mouiller le boubou veut dire s’engager corps et âme dans la bataille, sillonner le continent pour s’assurer du soutien proclamé par certains chefs d’état au candidat Konaré, convaincre les indécis et balayer les réticences qui s’expriment ici et là.
En 2002, ATT avait effectué un parcours électoral modèle. Tout y était, ou presque : des milliers de kilomètres parcourus, des arguments porteurs et des poignées de main serrées sans modération. Sera-t-il en mesure d’être aussi convaincant auprès de ses pairs africains qu’il l’a été chez lui ? Difficile à dire. Les électeurs n’ont ni le même statut ni les mêmes attentes. Le chef de l’état ne manquera pas de s’investir, sans pour autant perdre sa lucidité. Il n’est pas homme à provoquer une lutte fratricide, et ce qui se prépare pour la campagne à venir n’en est pas loin : les deux candidats en course font partie de la même famille régionale et linguistique. Tous deux sont issus de l’Afrique de l’Ouest et sont francophones. Militaire de carrière, ATT n’est pas homme à renoncer, mais il n’est pas têtu pour autant. Il fera certainement le tour des capitales qui comptent (il a commencé à le faire), il essaiera de « vendre » son candidat et de démontrer pourquoi Konaré pourrait être utile à l’Union. Il mouillera donc le boubou, mais gardera toujours à l’esprit qu’il vaut mieux savoir s’arrêter plutôt que de subir un échec.

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