[Chronique] La Cour pénale internationale se désafricanise-t-elle ?
Au moment où la procureure générale de la Cour pénale internationale, Fatou Bensouda, prépare ses valises, son institution semble moins obsédée par les dossiers africains. Elle enquête désormais sur des crimes présumés dans les territoires palestiniens.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 7 mars 2021 Lecture : 2 minutes.
Joseph Kony, Bosco Ntaganda, Omar el-Béchir ou Seif el-Islam Kadhafi : la liste des premiers inculpés de la Cour pénale internationale (CPI) n’incitait guère les militants des droits humains à mobiliser la terre entière. Jusqu’au moment où certains observateurs l’ont scrutée sous un angle spécifique : la juridiction internationale ne mènerait-elle des croisades qu’à l’encontre du continent ou presque ?
« Maillet négrophobe »
Depuis des années, l’institution est régulièrement qualifiée de « maillet négrophobe » ignorant largement les actes occidentaux commis à Guantanamo, Abou Ghraib ou Benghazi. Et quelques pays africains, à des époques différentes et sous des régimes variés, d’envisager ou d’acter leur retrait de la CPI : la Zambie, l’Afrique du Sud, le Kenya ou encore le Burundi.
En 2016, à Addis-Abeba, l’Union africaine adoptera même, sur proposition du président Uhuru Kenyatta, une résolution non contraignante appelant à un retrait global des pays africains de la CPI.
Calcul populiste ou pas, la nomination d’une Gambienne au poste de procureur général ne calmera pas les accusations d’acharnement, d’impartialité et de « justice des vainqueurs ». Fatou Bensouda, de toute façon, cédera bientôt son fauteuil à l’avocat britannique Karim Khan.
La CPI met le doigt dans le sac de nœuds du conflit israélo-palestinien
La « désafricanisation » de la partie émergée de la Cour devait-elle passer par une « désafricanisation » des inculpés ? Après les impasses des dossiers Bemba ou Gbagbo, voilà que la CPI met le doigt dans le sac de nœuds du conflit israélo-palestinien. Elle vient d’ouvrir une enquête sur des violences dans les territoires occupés.
Géorgie, Bangladesh ou Birmanie
Fatou Bensouda considère qu’il y a un « fondement raisonnable » à croire que des crimes ont été commis par des membres des forces et des autorités israéliennes, du Hamas et des groupes armés palestiniens au cours de la guerre de Gaza de 2014. Sur la période considérée ont été tués quelque 2 250 Palestiniens – en majorité des civils – et 74 Israéliens – essentiellement des soldats.
En réalité, de même que la justice internationale s’est déjà penchée sur des crimes occidentaux (comme ceux commis en ex-Yougoslavie), la CPI enquête actuellement sur la Géorgie, le Bangladesh, l’Afghanistan ou encore la Birmanie. Mais les examens préliminaires sur des crimes de guerre présumés commis par des ressortissants du Royaume-Uni en Irak, par exemple, ont été classés sans suite.
Quant aux États-Unis, ne s’étant pas embarrassés de ratifier le statut de Rome qu’ils avaient pourtant signé, ils n’ont même pas besoin de menacer de claquer la porte. Dans les juridictions internationales aussi, il est question de la morgue que permet l’envergure géopolitique de chacun. Plus de la moitié des pays africains ont ratifié le statut de Rome et seul le Burundi s’en est retiré (cas unique avec les Philippines). Chacun use comme il peut des muscles de sa langue et de ceux de la main qui ratifie ou abroge…
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