Le pétrole aux Irakiens ? Chiche !

Publié le 12 mai 2003 Lecture : 2 minutes.

Le secrétaire d’État Colin Powell a déclaré que « le pétrole de l’Irak appartient au peuple irakien ». Pourquoi ne pas le prendre au mot ? Pourquoi ne pas distribuer le pétrole de l’Irak à son peuple sous la forme de titres de propriété négociables ? Chaque Irakien deviendrait immédiatement actionnaire et aurait un droit reconnu à un revenu suffisant pour échapper à la misère. Comme chacun sait, ceux qui ont des actifs ont une opinion plus favorable du capitalisme que ceux qui n’en ont pas.

Si les titres de propriété étaient distribués également à tous les adultes – aux femmes comme aux hommes -, les réformateurs amélioreraient fortement les perspectives d’une future égalité des sexes dans le pays. Imaginez un peu : toutes les Irakiennes auraient un revenu personnel assuré. Cela pourrait être un facteur de transformation sociale phénoménal, qui pourrait mettre fin à des siècles d’oppression.
À la fin des années soixante-dix, quand on a pris conscience en Grande-Bretagne de l’importance du trésor de la mer du Nord, de bons esprits ont émis l’idée que le peuple britannique devait avoir droit gratuitement à une partie des richesses pétrolières nationales. Pourtant, bien que le gouvernement de Margaret Thatcher ait prétendu qu’il voulait une « démocratie d’actionnaires », il entendait seulement privatiser à la manière habituelle, en vendant des actifs publics à ceux qui avaient les moyens d’en acheter.
Cette méthode est inutilisable en Irak. La plupart des Irakiens sont beaucoup trop pauvres pour acheter une part importante du pétrole de leur pays. La seule façon de créer une démocratie d’actionnaires en Irak est de distribuer sa plus grande richesse. Pourquoi pas ? Qui mieux que le peuple irakien peut se prétendre le propriétaire légitime d’une ressource naturelle telle que le pétrole, qui se trouve être là, sous le sable ?

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Bien entendu, il faudrait prendre beaucoup de garanties. Les Irakiens ne seraient pas autorisés à revendre leurs actions pendant une longue période. Sinon, l’expérience d’actionnariat populaire – et de lutte contre la pauvreté – risquerait de tourner court. De fait, dans un premier temps, il pourrait être judicieux de décider que les actions pétrolières des citoyens seraient inaliénables. En d’autres termes, le droit de propriété n’inclurait pas le droit de vente.
Le futur État irakien aura besoin d’argent pour financer la remise en état des services publics et la reconstruction des infrastructures. Il serait donc obligé d’imposer très fortement (à la source) les dividendes pétroliers du peuple. Mais la réforme garderait sa raison d’être. Si les revenus tirés du principal actif de l’Irak étaient une propriété privée, qui serait ensuite imposée, plutôt que de se retrouver directement dans les mains des politiques, il existerait au moins une base d’échanges démocratiques normaux. Les futurs dirigeants de l’Irak auraient une bonne raison de proposer des services publics ayant une véritable valeur, puisque, dans le cadre d’institutions démocratiques, ils auraient à faire face à un parti politique rival s’ils gaspillaient le produit de l’impôt.

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