« Le Nepad doit rester la priorité du G8 »

Président du comité directeur du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad).

Publié le 13 mai 2003 Lecture : 4 minutes.

Le professeur Wiseman Nkuhlu se rendra au sommet du G8 à Évian (France) du 1er au 3 juin. Pour lui, l’Afrique doit être à tout prix, et malgré l’actualité internationale, la priorité de cette réunion.

J.A./L’INTELLIGENT : Le président français Jacques Chirac avait promis que l’Afrique serait la priorité des discussions du prochain sommet du G8. Ne craignez-vous pas qu’elle passe au second plan, et notamment derrière l’Irak ?
PR WISEMAN NKUHLU : Je suis très préoccupé. Les récents événements au Moyen-Orient, dont je ne conteste pas l’importance, ont changé les priorités du G8. Cela pourrait se révéler très néfaste pour l’Afrique. Les Africains sont bien plus touchés par les guerres et la pauvreté que les Irakiens. Il serait incongru que l’Irak devienne l’enjeu du sommet. Et c’est aux dirigeants africains de rappeler aux participants du G8 qu’ils ne doivent pas détourner les yeux du continent.
J.A.I. : Comment allez-vous faire passer ce message ?
Grâce au Nepad, au moins, les pays africains sont unis. Nous avons ainsi la capacité d’engager les pays développés dans notre lutte. Ils nous écouteront mieux si l’on parle d’une seule voix. Et aider l’Afrique n’est qu’un petit sacrifice auquel les pays occidentaux peuvent consentir.

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J.A.I. : Avez-vous contacté le président Chirac ou d’autres leaders du G8 pour les sensibiliser ?
W.N. : Nous rencontrons les sherpas du G8 tous les deux mois. Notre dernière entrevue remonte au 14 avril, à Bamako (Mali). Ils nous ont assuré qu’ils allaient aborder le problème avec leurs chefs d’État. De notre côté, nous avons demandé aux leaders africains du Nepad (Thabo Mbeki, Olusegun Obasanjo, Abdoulaye Wade, Abdelaziz Bouteflika), qui seront d’ailleurs présents à Évian, de parler à leurs homologues occidentaux.

J.A.I. : Quels arguments pourraient, selon vous, persuader les leaders du G8 d’adhérer à votre cause ?
W.N. : Nous devons soulever des problèmes importants comme le sida, l’éducation, mais aussi l’accès au marché des pays développés, nécessaire à l’Afrique pour devenir indépendante de l’aide extérieure. Autre enjeu de taille : l’agriculture, un des domaines dans lesquels l’Afrique peut être compétitive. Mais les subventions agricoles des pays développés bloquent notre propre développement. Il est important que cela change.

J.A.I. : Les élections nigérianes sont venues ajouter de l’eau au moulin de certains détracteurs occidentaux de la politique africaine. Qu’allez-vous leur dire, à Évian, sur les enjeux de bonne gouvernance en Afrique ?
W.N. : Nous allons encore lancer un appel au G8 pour qu’il soutienne les changements en cours en Afrique. Le Nigeria est entré dans un processus de réformes important et difficile. Dans un pays comme celui-là, si peuplé et si hétérogène, c’est un enjeu complexe. La communauté internationale doit comprendre que la commission indépendante de surveillance des élections a fait de son mieux. Ce scrutin a peut-être révélé certaines défaillances du système, mais il n’a pas été prouvé qu’il y ait eu corruption. Cet événement doit être apprécié à sa juste valeur. On savait bien que ce ne serait pas aussi facile que de mener une élection au Royaume-Uni.

J.A.I. : Vous savez mieux que personne que le Nepad n’a pas une bonne image. Que faites-vous pour que les Africains comprennent mieux ce qu’est le Nepad ?
W.N. : Au départ, c’était l’initiative de quelques chefs d’État, et non celle du secrétariat de l’Union africaine. Du coup, jusqu’à maintenant, les activités du Nepad ont été concentrées dans les quatre pays initiateurs du programme. À la fin de l’année dernière, nous avons décidé de promouvoir le Nepad dans toute l’Afrique. En termes de développements concrets, je le reconnais, nous devons communiquer plus pour que le public comprenne mieux notre action. Le Nepad ne sera pas un bureau directeur de projets. Son rôle est de supporter et de faciliter la mise en oeuvre de projets par les gouvernements africains. Durant les prochains mois, nous allons travailler main dans la main avec les commissions économiques régionales et nous assurer qu’elles accélèrent la préparation de tous les projets. Nous avons déjà un programme très complet que nous allons « vendre » dans les régions au secteur privé, aux institutions financières…

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J.A.I. : Le Nepad serait ainsi un organe de surveillance ?
W.N. : Oui, en quelque sorte. Les institutions africaines manquent de moyens et de motivation pour développer les projets et les promouvoir de manière efficace. Le Nepad intervient pour donner de l’énergie à ces structures déjà existantes.

J.A.I. : Le secrétariat du Nepad pourrait-il, à terme, rejoindre celui de l’UA ?
W.N. : C’est tout à fait possible, mais pas dans l’immédiat. Car cela risque de nuire à la « marque » Nepad. Une marque qui montre que l’Afrique va agir de manière différente. Compétences et efficacité sont nos maîtres mots. Il est important que le Nepad se démarque, dans un premier temps, d’anciennes institutions comme l’UA.

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