L’effet Moulay Hassan

Le nouvel héritier du trône chérifien est né. Un événement qui dépasse largement le cadre du carnet rose dans un royaume où les symboles ont force de loi.

Publié le 12 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

«On ne dira plus le fils de Hassan II, mais le père de Moulay Hassan ; on ne dira plus le jeune roi, mais le roi tout court. » Ainsi le politologue Mohamed Tozy, rivé, comme la plupart des Marocains, en cette matinée du jeudi 8 mai, devant son écran de télévision, résume-t-il la naissance d’un nouvel héritier pour le trône chérifien.
Tout comme le mariage, en juillet 2002, de Mohammed VI avec Lalla Salma, l’événement dépasse largement le cadre du carnet rose dans ce royaume où les symboles ont force de loi et où la dynastie alaouite exerce, depuis trois siècles et demi, un pouvoir qui ne fut partagé qu’à l’époque – brève – du protectorat français. Certes, contrairement aux noces royales présentées comme un signe de modernité, le cérémonial qui a entouré la venue au monde de Moulay Hassan relève de la plus scrupuleuse des traditions : aucune innovation, cette fois, si ce n’est la rapidité avec laquelle Internet a fait voyager la photo du père et du poupon. Mais, tout comme dans chaque foyer marocain la naissance du premier fils est un accomplissement, cet événement est pour Mohammed VI une sorte de second avènement : sa capacité à pérenniser la lignée est désormais démontrée. Au Maroc, est-il besoin de le préciser, la couronne se transmet de père en fils : elle est affaire de mâles, exclusivement et constitutionnellement.
Dans un climat de sinistrose quasi structurelle, alimentée par les sondages (80 % des Marocains auraient peur de l’avenir), l’apparition de ce nouveau repère dynastique est sans doute la bienvenue pour ce qu’on appelle « le moral des ménages », au-delà de sa charge émotionnelle et onirique forcément ponctuelle. L’effet Moulay Hassan a aussi pour conséquence de rendre obsolète le fantasme du « dernier roi », développé par ceux qui, au Maroc et hors du Maroc, assuraient que Mohammed VI était un héritier fragile, manipulé, sans goût pour le « job » et constamment tenté de rendre son tablier tant il se sentait ontologiquement inapte à régner. Son mariage n’avait pas mis un terme à ces malveillances puisque, dès l’annonce publique de l’état de l’altesse royale Lalla Salma en décembre 2002 et jusqu’à la veille de l’accouchement, toute une série de rumeurs aussi fausses que fielleuses ont fait les délices empoisonnées de bien des salons. Nul doute d’ailleurs que les rétrogradations en chaîne suscitées par cette naissance dans l’ordre de succession au trône provoqueront d’autres rumeurs, en même temps qu’elles mettront un terme à quelques plans sur la comète, aussi hasardeux que fébriles.
Même si, comme l’a dit Hassan II, « Freud n’a pas cours au Maroc », il est difficile de ne pas interpréter également cette naissance comme une sorte de seconde coupure entre l’actuel souverain et son père. La première rupture fut pour lui le décès, le 23 juillet 1999, de celui qui régna pendant trente-huit ans – la mort d’un père, ainsi que le confia un jour Hassan II, est « une sorte de naissance où, de bout en bout, on souffre et on reste conscient ». La seconde vient de se produire le 8 mai 2003 alors que le roi s’apprête à célébrer cet été, en l’espace d’un mois et avec une densité nouvelle, ses quatre ans de règne et son quarantième anniversaire… Qui guidera les premiers pas de Moulay Hassan ? Comment sera-t-il élevé et éduqué ? Fréquentera-t-il, lui aussi, le Collège royal ? Attentifs, les Marocains n’en perdront pas une miette. Une seule chose paraît sûre pour l’instant : Mohammed VI ne devrait pas reproduire sur son fils ce que lui-même et, avant lui, Hassan II ont subi – une éducation à la baguette où les châtiments corporels n’étaient pas rares. Question de tempérament et de modernité. Chacun, fût-il roi, exerce son métier de père à tâtons…

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