L’économie en quarantaine

Hongkong et Singapour, dont la prospérité repose sur le tourisme et les investissements étrangers, sont les premiers touchés. Mais ils ne sont pas les seuls.

Publié le 13 mai 2003 Lecture : 4 minutes.

Trente milliards de dollars. C’est, au bas mot, ce que le syndrome respiratoire aigu sévère (sras) a déjà coûté à l’économie mondiale, selon une estimation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’épidémie a jeté un voile de pessimisme sur Hongkong et Singapour, dont les économies sont essentiellement fondées sur le tourisme, les investissements étrangers et la consommation. Les trois secteurs ont subi de plein fouet l’impact du sras.
Face à ce cataclysme, les autorités locales ont mis en place des plans de soutien. À Singapour, un fonds de 230 millions de dollars a été créé afin d’aider les entreprises les plus touchées par la crise. Les autorités hongkongaises ont, elles, choisi le principe d’un prêt à très faible taux d’intérêt pour aider les sociétés en difficulté. Les fonds disponibles atteignent 3,5 milliards de dollars. Le prêt s’accompagne d’une campagne de promotion de la ville intitulée « We love HK » (« Nous aimons Hongkong »), prévue pour durer un mois.
Les deux « villes-États » ne sont pas les seules touchées. Toronto, au Canada, a également vu son économie, en partie fondée sur le tourisme des particuliers et des hommes d’affaires, plonger. Les autorités ont donc lancé une grande campagne de publicité pour séduire le public à l’approche de l’été. Toutefois, l’Asie reste la première victime. Le principal moteur de la croissance du continent, la Chine, est le pays le plus touché par la maladie, et sa gestion de la crise ne favorise pas la confiance. La région entière fait peur. Les acheteurs comme les vendeurs hésitent à se déplacer dans la région et n’organisent plus que de brèves rencontres, ce qui ne favorise pas la conclusion d’accords ni la signature de contrats.
La peur est à ce point forte que les banques d’investissement ont revu leurs prévisions de croissance à la baisse. Le groupe Goldman Sachs estime que la maladie va provoquer pour le prochain trimestre une baisse de croissance de 0,7 % à Hongkong (et de 1,3 % sur l’année), de 0,5 % à Singapour, de 0,3 % à Taiwan et de 0,2 % en Thaïlande. La banque Morgan Stanley, de son côté, parie sur une croissance annuelle de 4,5 % pour la région, alors qu’on tablait, sans le sras, sur 5,1 %.
Le secteur le plus durement frappé est indéniablement celui du tourisme. Les retombées de la psychose ont été immédiates. Les annulations pleuvent. Rien n’incite au voyage. Même l’OMS, pour la première fois dans son histoire, a émis un avis déconseillant les voyages dans la région, s’ils ne sont pas essentiels. Conséquence immédiate, la chute des réservations. Depuis le début de l’épidémie, le marché hôtelier en Asie a perdu un quart de son activité. Et ce n’est qu’une moyenne : les pays les plus touchés par la maladie sont également les plus désertés. Au Vietnam, le taux de remplissage est tombé de 90 % à 20 %. À Hongkong et à Singapour, 80 % du parc hôtelier est vide. Les analystes estiment que 40 % des 67 milliards de dollars tirés du tourisme en Chine seront perdus cette année.
Côté voyages d’affaires, ce n’est guère mieux. Les deux « villes-États » sont des lieux stratégiques où de nombreuses multinationales ont leur siège régional. Une récente étude de la Business Travel Coalition démontre que 61 % des entreprises interdisent les déplacements en Asie, contre 27 % au début du mois d’avril. Pis encore, pour les sociétés basées en Asie, 22 % interdisent tout voyage sur le continent. La téléconférence est devenue le meilleur moyen de communication, utilisée à 67 %. Certaines entreprises ont même réparti leurs salariés en deux équipes, chacune sur deux sites différents, avec interdiction totale de se croiser. Ainsi, si un membre d’une équipe tombe malade, tous seront placés en quarantaine, mais l’activité ne s’arrêtera pas puisque 50 % des salariés pourront encore travailler.
Ces mesures de contrôle ont également des répercussions sur le commerce et le transport aérien. La vente au détail dans les centres commerciaux de Hongkong a chuté de 50 %, à tel point que des soldes sont organisés. À Singapour, le revenu quotidien des chauffeurs de taxi est passé de 70 dollars à 20 dollars. Les lieux publics tels que les restaurants et les bars ont connu une baisse de fréquentation d’au moins 50 %.
Les compagnies aériennes paient également le prix fort. Les annulations en cascade ont poussé certaines d’entre elles à suspendre leurs vols. Ainsi, Air Mauritius a supprimé ses deux liaisons hebdomadaires vers Hongkong jusqu’au 1er juin. Manque à gagner : 260 000 euros par semaine. Les réservations des compagnies américaines en direction de Hongkong ont diminué de 85 %. L’aéroport de Singapour est déserté, l’activité y a baissé de 61 %. Air France n’a pas encore annulé ses vols, mais indique que tous les billets édités pour un voyage d’ici au 31 mai peuvent être modifiés sans pénalité. Cathay Pacific perd, de son côté, 3 millions d’euros par jour. Pour Qantas, la crise survient en pleine phase de restructuration, ce qui va l’obliger à procéder à des licenciements. Singapore Airlines a réduit de près de 40 % son activité.
Les compagnies aériennes du monde entier, déjà très affectées par les attentats du 11 septembre 2001, sortiront toutes affaiblies par cette crise. Seules les industries de thermomètres médicaux et de masques profitent de la plus grande crise économique qu’a connue l’Asie depuis 1997.

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