Cameroun : le Ndop fait son retour dans le sillage du wax

Le Ndop, ce tissu traditionnel des peuples des Grassfields de l’ouest du pays, est plébiscité par les créateurs, qui lui redonnent ses lettres de noblesse. Mais le savoir-faire nécessaire pour sa réalisation reste menacé.

Le « Ndze Ndop », tissu traditionnel créé à Ndop, une localité située dans le Nord-Ouest du Cameroun, a été adopté par les chefs bamilékés et introduit dans les chefferies des Grassfields au XVIIle siècle comme tissu royal par excellence. © MABOUP

Le « Ndze Ndop », tissu traditionnel créé à Ndop, une localité située dans le Nord-Ouest du Cameroun, a été adopté par les chefs bamilékés et introduit dans les chefferies des Grassfields au XVIIle siècle comme tissu royal par excellence. © MABOUP

Franck Foute © Franck Foute

Publié le 4 avril 2021 Lecture : 3 minutes.

À l’origine, cette étoffe bleue servait de monnaie d’échange entre les peuples de l’Est du Nigeria ainsi que du Nord et de l’Ouest du Cameroun. Rare et original, le Ndop est devenu au fil des ans le symbole de l’ethnie bamilékée. Cantonné pendant longtemps aux sociétés secrètes et aux cérémonies rituelles, ce tissu a depuis dépassé les usages traditionnels auxquels il était assigné.

L’époque où il fallait se rendre dans les régions froides et montagneuses des Grassfields, dans l’ouest du pays, pour apprécier l’originalité de ses motifs – souvent des animaux stylisés ou des formes géométriques –, sa texture caractéristique ou encore ses coutures apparentes, qui rappellent qu’il s’agit d’un produit artisanal, est bel et bien révolue. Désormais, le Ndop, que les teinturiers appellent aussi Royal ou Juju, et ses déclinaisons s’affichent partout : lors d’évènements, dans la rue et même sur les bouteilles de bières. L’étoffe connaît un nouvel âge d’or qui traverse d’ailleurs les frontières camerounaises.

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Appropriation culturelle ?

Martine Gueteu en plein processus de confection du tissu Ndop © SAMY PRO © SAMY PRO

Martine Gueteu en plein processus de confection du tissu Ndop © SAMY PRO © SAMY PRO

En 2018, La maison de luxe française Hermès dévoilait ainsi une nouvelle collection de foulards en soie présentant des couleurs et des motifs reprenant ceux du Ndop. Appropriation culturelle ou promotion d’un savoir-faire ancestral ? Les sociétés bamilékée et camerounaise sont divisées sur la question. Pour Herman Yongueu, il s’agit d’un « faux débat ». Depuis bientôt trois ans, ce comptable de 34 ans s’est donné pour mission de défendre la célèbre étoffe à travers son association Sauvons le Ndop, qui a pour but de vulgariser auprès des jeunes cet héritage culturel.

L’une des principales menaces qui pèsent sur cette tradition est la perte du savoir-faire nécessaire à sa fabrication. Dans sa forme originelle, le tissu est réalisé à partir de fibres de raphia. Ces minces rubans d’environ 5 centimètres de large, appelés « gabaga », présentent des caractéristiques similaires à celles du coton écru. Ils sont ensuite cousus bord à bord pour former des pièces décorées de large dimension. Sur chacune, un maître-artisan trace, à l’aide d’une fourche de bambou taillé et trempé dans une encre élaborée à partir de suie, les grandes lignes composant les motifs. Ces symboles sont ensuite cousus de fils de raphia d’un point serré.

C’est un travail long et fastidieux qui peut prendre près d’un mois

La suite du processus se déroule dans le Nord du pays, principalement à Garoua. Des artisans laissent le tissu baigner dans une première solution pendant environ vingt heures avant de le plonger dans un bain de teinture bleue pour une dizaine d’heures supplémentaires. Il est ensuite essoré et séché. Selon les spécialistes, l’exposition au soleil entraînerait l’oxydation de la teinture, donnant ainsi la nuance bleu finale recherchée. Pour finir, les coutures sont retirées.

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Des valeurs religieuses, rituelles et politiques

Herman Yongueu, de l’association Sauvons le Ndop, à côté du tissu traditionnel et des accessoires de mode réalisés à partir de ses motifs. © Black Soldier Company

Herman Yongueu, de l’association Sauvons le Ndop, à côté du tissu traditionnel et des accessoires de mode réalisés à partir de ses motifs. © Black Soldier Company

C’est un travail long et fastidieux : achever la réalisation d’une bande à motifs très larges de près de 15 mètres de long peut demander près d’un mois. « La technique de production du Ndop s’est toujours transmise de père en fils. Malheureusement, les jeunes des villages ont adopté un mode de vie citadin et préfèrent désormais des activités qu’ils jugent plus lucratives, telle la moto-taxi. Si personne ne prend le relais, ce savoir-faire va se perdre », regrette Herman Yongueu.

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De fait, l’étoffe est souvent confondue avec le Wukari (Ukara), son ancêtre nigérian, ou sa déclinaison industrielle aux motifs parfois quelconques. « Nous devons enseigner aux plus jeunes comment reconnaître le pagne originel. Car ce n’est pas qu’un simple tissu, il porte aussi des valeurs religieuses, sociales, rituelles et politiques nécessaires à la cohésion sociale des peuples de l’Ouest », affirme Paul Simo, conseiller à la chefferie de Bandjoun.

Pour Herman Yongueu et son association, l’objectif est de protéger ce patrimoine en le faisant reconnaître par des agences internationales comme l’Unesco. En 2020, le collectif a obtenu une première victoire avec l’introduction du Ndop au patrimoine national camerounais.

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