Dopée par le secteur secondaire

Le ralentissement observé en 2001 a été compensé par la relance des industries manufacturières et par une bonne production d’or en 2002.

Publié le 12 mai 2003 Lecture : 4 minutes.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que 2002 aura été une année charnière pour le Mali. D’abord, il a accueilli la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football. Au-delà de son aspect sportif, la compétition a largement stimulé le développement économique du pays, permettant une amélioration sensible de ses infrastructures tout en donnant une impulsion au secteur privé. Même si elle laisse une lourde ardoise budgétaire (estimée à plus de 60 milliards de F CFA, soit 91,5 millions d’euros), ainsi qu’un certain nombre de projets inachevés, la CAN a permis au Mali de renforcer son crédit auprès des autres nations africaines, qui ont unanimement salué son organisation. Cette année 2002 a également confirmé la stabilité politique d’un pays qui jouissait déjà d’une bonne image internationale. L’arrivée au pouvoir d’Amadou Toumani Touré s’est en effet déroulée dans un climat de relative sérénité sociale.
Enfin, et ce n’est pas la moindre des choses, l’économie a retrouvé toute sa vigueur en 2002, marquée par une croissance du Produit intérieur brut (PIB) de 8 %. L’année précédente s’était caractérisée par une cassure, conséquence d’une campagne agricole catastrophique durant laquelle les productions cotonnières et céréalières avaient respectivement chuté de 45 % et 20 %. La croissance était alors restée bloquée sous la barre des 2 %, et le Mali n’avait dû son salut qu’aux bons résultats de l’industrie minière. Sa production d’or – plus de 50 tonnes – avait écarté la menace de récession économique.
Le pays est coutumier de ces sautes d’humeur du taux de croissance depuis près d’une décennie. Les experts internationaux attribuent cette volatilité à la très forte dépendance du pays aux performances de son secteur primaire, qui représente en moyenne 40 % du PIB. Une prédominance des produits agricoles peu élaborés, dont la production reste soumise aux aléas climatiques et à la fluctuation des cours internationaux, qui fragilisent la santé économique de l’État, même si l’agriculture a permis au Mali de passer en dix ans du statut de pays déficitaire à celui de pays exportateur. Le Fonds monétaire international (FMI), qui pointait cette situation en avril dernier, tout en se disant « satisfait des résultats économiques », plaide d’ailleurs pour une plus grande diversification sectorielle.
Une évolution a pourtant été constatée dans la composition du PIB au cours des dernières années. Selon une étude du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), le secteur primaire pesait ainsi 35,5 % dans le PIB en 2001, contre 21,2 % pour le secteur secondaire et 43,3 % pour le secteur tertiaire. Cette tendance semble se confirmer en 2002. Le secteur primaire enregistrerait une perte d’environ 3,5 % en valeur, liée à la baisse des volumes de récoltes d’un certain nombre de produits agricoles comme le riz paddy (- 13,2 %) et le coton-graine (- 25 %). Le secondaire, longtemps considéré comme le talon d’Achille de l’économie, augmenterait de quelque 14 % grâce au regain d’activité des industries manufacturières, en particulier des usines d’égrenage, alors que l’or est devenu aujourd’hui le premier produit d’exportation du Mali. La branche énergie a également soutenu cette croissance, avec la connexion du réseau à la centrale de Manantali, installée dans l’ouest du pays. Le tertiaire enfin, avec une hausse d’environ 3,5 % en valeur, a été dopé par la CAN et ses effets sur les branches transports ou télécommunications.
La croissance reste néanmoins soumise pour 2003 à l’impact de la crise ivoirienne, qui pourrait entraîner un ralentissement de l’activité estimé aujourd’hui par les institutions financières internationales entre 0,5 % et 2 %. Ce conflit pourrait également exercer une forte pression sur les prix. Les échanges entre les deux pays étant aujourd’hui au point mort, une tension sur les produits alimentaires et les matériaux de construction s’est rapidement fait sentir. Ce qui n’arrange pas les affaires du Mali. Si entre 1996 et 2000 le taux d’inflation a été maîtrisé à moins de 3 %, critère de convergence Uemoa (Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest) oblige, les prix à la consommation connaissent depuis un sérieux dérapage. En 2002, l’inflation a été de 5,1 %, après avoir déjà grimpé à 5,2 % l’année précédente. La Banque africaine de développement (BAD) espère voir retomber ce taux à 3,6 % en 2003, à condition que les relations avec le voisin ivoirien soient normalisées.
La reprise de 2002 devrait toutefois favoriser la réduction des déséquilibres macroéconomiques engagée par le Mali depuis la dévaluation de 1994. Les recettes devraient notamment repartir à la hausse. Selon la BAD, le taux de pression fiscale pourrait atteindre 14,8 % en 2002 et 15,4 % en 2003. La fiscalité devrait constituer 86 % des recettes totales hors dons, qui s’élèvent à 385 milliards de F CFA pour 2002, en hausse de 20 %, grâce essentiellement à la santé retrouvée de la filière cotonnière. Cette hausse devrait permettre de contrebalancer l’envolée des dépenses courantes prévues simultanément (+ 13,5 %). Celle-ci résulte des effets conjugués des réformes du secteur public (incluant notamment une harmonisation des salaires) et des dépenses électorales qui ont largement excédé l’enveloppe budgétaire allouée. Selon la BAD, le solde budgétaire 2002 restera néanmoins négatif, à – 5,1 % du PIB (contre – 6 % en 2002).
Pour financer ces déficits, le Mali dépend principalement des dons et des prêts internationaux. Sa dette extérieure, l’une des plus importantes du continent, s’élèvait à 1 640 milliards de F CFA à la fin 2002. Bénéficiant du soutien des institutions de Bretton Woods, le pays a été déclaré en septembre 2000 éligible à l’initiative de réduction de la dette en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE), ce qui devrait lui faire bénéficier d’une remise de 523 millions de dollars (466 millions d’euros). De quoi lui permettre de dégager des fonds pour lutter contre la pauvreté. Le Mali est toujours l’un des pays les plus démunis au monde, classé l’année dernière 164e sur 173 à l’indicateur de développement humain élaboré par le Pnud.

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