Dans la cour des grands

Publié le 12 mai 2003 Lecture : 2 minutes.

Ceux d’entre nous qui suivent les affaires internationales ont été décontenancés par le choix stratégique fait par José María Aznar, président du gouvernement espagnol. Pourquoi cet homme ambitieux mais raisonnable a-t-il décidé, au début de cette année, de braver la grande majorité de ses concitoyens (et des Européens), de mettre en danger les intérêts électoraux de son parti, sa propre réputation et même son avenir politique (il n’a que 50 ans) pour soutenir, sans réserve ni état d’âme apparent, l’invasion – illégale – de l’Irak par les États-Unis (et la Grande-Bretagne) ?
À ce comportement étrange et inattendu, on a trouvé des raisons, mais pas d’explication complète et convaincante.
Le célèbre journaliste espagnol Ramon Perez-Maura, du quotidien madrilène ABC, vient d’en fournir une qui me paraît tenir la route.
Il révèle que c’est la nouvelle administration américaine de George W. Bush qui, dès son arrivée au pouvoir, a jeté son dévolu sur l’Espagne et formulé le désir d’en faire un allié proche.
En avril 2001, trois mois seulement après son installation à la présidence et en prélude à la visite qu’il devait faire en Espagne, G. W. Bush a fait parvenir à J. M. Aznar, par la bouche de Donald Rumsfeld lui-même, le message suivant, lourd de sens et de promesses :
– Vous dirigez un des cinq grands pays de l’Europe de l’Ouest. Sur le continent, vous et Silvio Berlusconi êtes les seuls à avoir des idées proches des nôtres. Nous vous avons choisi pour être notre partenaire…
Il y a des siècles qu’un dirigeant espagnol n’a pas entendu pareille promesse de considérer l’Espagne comme un « grand »…

Lorsque le président George W. Bush rendit visite à José María Aznar (12 juin 2001), celui-ci, aux prises avec le terrorisme basque, parla longuement à son hôte du « danger terroriste » et de la lutte implacable qu’il menait pour l’éradiquer.
Et quand, le 11 septembre, l’Amérique fut frappée à son tour par le terrorisme, mais de l’extérieur, le président des États-Unis, le président du gouvernement espagnol – et, par ailleurs, son homologue israélien – se trouvèrent une préoccupation et des réactions voisines, un langage commun, qui achevèrent de les rapprocher, voire de les unir.

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Pour distinguer l’Espagne de la France et de l’Allemagne (qui ne l’ont jamais traitée en égale, ni même comme un partenaire dont on tient vraiment compte), Aznar décida de profiter de la conjoncture pour coller à cette grande Amérique qui, elle, lui ouvrait les bras.
C’est ainsi, pensa-t-il, qu’il pourrait entrer dans l’Histoire comme l’homme qui a fait revenir l’Espagne sur la scène internationale après une éclipse multiséculaire et lui a redonné une place dans la cour des grands.
Mais y a-t-il une place de « grand » à côté de l’Amérique bushienne qui n’admet autour d’elle que ceux qui acceptent la condition de satellites ?

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