Collabos ou putschistes?

La rubrique « Echanges », aussi animée hier qu’aujourd’hui, a ouvert une large discussion sur le rôle des étudiants africains

Publié le 13 mai 2003 Lecture : 2 minutes.

Dans votre article « L’Afrique est-elle vouée aux coups d’État ? », publié dans le n° 132, nous apprenons que « les dirigeants des pays africains d’expression française hésitent à envoyer leurs élites poursuivre leurs études en France, car ces étudiants reviennent dans leur pays animés de l’esprit de coup d’État… ». Il est à se demander si la France constitue un autoclave des conjurations et si « l’air de Brumaire » n’est pas devenu radioactif.
Notre lutte est, dites-vous, justifiée par notre « passion politique ». Et d’expliquer : « Le libéralisme politique ?… Il n’y a qu’à voir ceux d’entre eux que la fortune favorise : placés aux postes de commandement, ils deviennent l’autorité même. Non, ce n’est pas de liberté publique qu’ils ont soif, mais de pouvoir personnel. » J’ose vous faire remarquer que les étudiants qui acceptent de collaborer avec le pouvoir dans un système autoritariste sont des opportunistes, des faibles, des défaitistes. On ne peut conclure de leur conduite une tendance générale des étudiants africains à l’autoritarisme.
Votre dénoncez ensuite les étudiants qui acceptent mal de se fixer à la discipline qu’implique la planification. L’État veut diriger ses cadres vers des professions utiles à la communauté nationale. Un dosage de bourses et une orientation autoritaire sont autant de causes de froissement et de rancoeur. Mais les étudiants ont recours à des subterfuges pour tourner les orientations gouvernementales… Sans vouloir faire la critique de ces fameux plans, il y a un fait qui me semble incontestable : ces plans sont établis par les « conseillers techniques » occidentaux dont le souci naturel consiste à orienter le développement économique de nos pays dans le sens où il est le plus favorable à leur pays d’origine (l’ex-métropole). Or ces deux préoccupations (l’essor de notre économie, l’intérêt de l’Occident) se faisant mutuellement agression, les étudiants ont le droit de douter de l’efficacité de ces plans.
Votre article s’en prend, enfin, à notre « nationalisme inassouvi ». Je ne sais quelle dose de nationalisme il faut prendre pour être repu, mais pour nous, étudiants africains, le fait est que la satiété au nationalisme est une chose inconcevable. Quand nos dirigeants se lancent dans une politique de collaboration avec l’ancien colonisateur, les étudiants, dites-vous, ne retrouvent aucun thème qui les passionne autant que celui de la lutte contre le néocolonialisme. C’est un fait bien établi que certains pays africains (surtout francophones) ne discutent pas (ou peu) les modalités des accords qu’ils passent avec l’ancienne métropole, du moment que celle-ci est le « donateur » et le « garant » (bases militaires, par exemple) de leur maintien au pouvoir. Étrange collaboration ?
Pour finir, je n’ai jamais entendu parler d’un complot effectivement organisé par la « génération montante » de l’élite contre la personne physique de tel ou tel chef d’État africain. Que ce soit au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Haute-Volta [aujourd’hui Burkina], au Tchad ou au Togo, le complot se cristallise toujours autour d’un Premier ministre, de deux ou trois ministres limogés, de vieux gendarmes… Tout se passe donc dans le cadre restreint de ceux qui appartiennent à « la génération de l’indépendance ». Aucun étudiant n’a versé dans ces multiples complots qu’on invente ou qu’on connaît sous nos latitudes.

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