Maroc – Cherkaoui Habboub : « Sur l’anti-terrorisme, il n’y a aucune coopération avec l’Algérie, et nous le regrettons »
Nommé fin novembre à la tête du Bureau central des investigations judiciaires (BCIJ), le « FBI » marocain, Cherkaoui Habboub incarne désormais le visage de la lutte antiterroriste au Maroc. Pour Jeune Afrique, il analyse les nouveaux défis sécuritaires que veut relever le royaume.
Cherkaoui Habboub, 63 ans, n’est pas prêt d’oublier le 4 décembre 2020. Ce jour-là à Tétouan, au nord du Maroc, il dirigeait sur le terrain, au milieu des éléments du Groupe d’intervention rapide (GIR), sa première opération de démantèlement d’une « dangereuse cellule terroriste », en tant que nouveau directeur du Bureau central des investigations judiciaires (BCIJ). Quelques jours plus tôt, le 29 novembre, il était nommé par le directeur-général de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) et la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), Abdellatif Hammouchi, à la tête du bras antiterroriste marocain.
« Je suis un soldat »
Rendez-vous pris au siège du BCIJ, sis au cœur du « triangle de la mort », comme l’appellent les habitants de la ville de Salé. L’institution est coincée dans une impasse derrière les hautes murailles de la prison Zaki, et à quelques pas du tribunal antiterroriste de Salé. Pour y accéder, il faut passer deux barrages de police qui sécurisent l’accès. Deux éléments du GIR (Groupe d’intervention rapide), encagoulés en uniforme noir et armés, montent la garde à l’entrée du bâtiment qui s’étend sur 5000 m², avec une vaste cour intérieure.
La prudence est comme une seconde peau pour ce sexagénaire qui a passé plus de la moitié de sa vie au cœur des institutions sécuritaires du royaume
Sourire en coin, Habboub Cherkaoui nous reçoit à l’étage. « Je suis un soldat, comme tous les Marocains, au service de la sûreté nationale et de la sécurité du royaume », lance d’emblée celui qui préside désormais aux destinées du « FBI Marocain ». Au fil de l’échange, le patron du BCIJ se veut didactique et chaleureux. Sans se départir d’une prudence qui est comme une seconde peau pour ce sexagénaire qui a passé plus de la moitié de sa vie au cœur des institutions sécuritaires du royaume.
Né en 1958 à Lakhzazra, petite commune dans la région Chaouia-Ouardigha, Cherkaoui Habboub fait ses études primaires à Ben Ahmed, secondaires à Berrechid avant d’intégrer l’université Hassan II de Casablanca qu’il quitte sans obtenir son diplôme de droit. C’est que la sirène de la police résonne plus fort : en 1983, il passe le concours d’inspecteur de police. Après un stage à l’Institut royal de police de Kénitra, il gravit rapidement les échelons. Tour à tour commissaire de police et commissaire divisionnaire-contrôleur général, il rejoint en 1992 la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ).
En 2005, il est nommé Chef de l’office national de lutte contre le terrorisme et le crime organisé, relevant de la BNPJ. Avant de rejoindre le BCIJ à sa création en 2015, en tant que Chef de la brigade nationale de lutte contre le terrorisme. Aujourd’hui directeur de cette institution, il revient pour Jeune Afrique sur les nouveaux défis de la lutte contre le terrorisme au Maroc, décrypte les menaces terroristes qui pèsent sur le royaume et déplore le manque de coopération sécuritaire avec le voisin de l’est, l’Algérie.
Jeune Afrique : Le sommet du G5 du Sahel, auquel le Maroc a pris part récemment, a mis l’accent sur le terrorisme, et exigé « une action d’envergure ». Quelle est la menace pour le Maroc ?
Cherkaoui Habboub : Le Sahel représente un grand danger, et donc un grand défi sécuritaire pour le Maroc. C’est de cette région que provient aujourd’hui la menace terroriste qui pèse sur le royaume et sur les pays voisins. Cela s’explique par les troubles aussi bien politiques que socio-économiques que connaît la zone. Il s’agit d’une vaste région où la surveillance sécuritaire n’est pas évidente. Après leurs chutes respectives en Afghanistan et en Syrie, les deux principales organisations terroristes, à savoir Al-Qaïda et Daech, ont trouvé dans le Sahel un terrain fertile. Depuis, plusieurs organisations y sont actives : certaines sont affiliées à AQMI [Al-Qaïda au Maghreb islamique], d’autres à Al-Qaïda.
Il y a aussi l’État islamique dans le grand Sahara (EI-GS), dirigé par Adnane Abou Walid al-Sahraoui — natif de Laâyoune et ancien membre actif du Front Polisario. Entre 2016 jusqu’en 2020, il a revendiqué plusieurs opérations terroristes dans la région. D’ailleurs, les États-Unis offrent 5 millions de dollars pour toute information à même de permettre sa localisation. La région du Sahel est en train de devenir un épicentre des organisations terroristes.
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